Rome, le 16 juin 2000

Déclaration commune des Conseils français, espagnol et italien du Mouvement Européen



      L’élargissement de l’Union

L’élargissement de l’Union européenne constitue un acte politique majeur pour l’ensemble du continent européen : il n’est pas seulement l’expression d’une volonté de mettre fin aux séquelles de la guerre froide et de tirer les enseignements de la guerre du Kosovo ; il est aussi la reconnaissance de la légitimité des aspirations des pays candidats à la prospérité économique et sociale et à la sécurité intérieure et extérieure et un encouragement à ce que les efforts importants consentis par ces pays pour créer un état de droit, rattraper leur retard économique et reprendre l’acquis communautaire soient poursuivis.

      Un projet politique ambitieux

Une Europe élargie implique, au préalable, une réflexion et un débat approfondis sur la nature même de l’Union : cette réflexion a été menée par le Mouvement européen international, notamment à partir du Congrès de La Haye en mai 1998, qui a lancé un appel à l’ouverture d’un grand débat sur l’avenir de l’Europe.

Les Quinze doivent avoir le courage de clarifier le projet politique qu’ils entendent réaliser dans les prochaines décennies en terme de valeurs partagées, de principes d’organisation constitutionnelle et d’ambitions internationales.

      Réussir la révision du Traité d’Amsterdam

Les réformes qui seront adoptées à Nice par le Conseil européen constituent un test de ce courage et une étape importante sur la voie de la réalisation de ce projet politique. Les conseils espagnol, français et italien du Mouvement européen partagent la conviction que la Conférence intergouvernementale doit notamment aboutir aux sept résultats suivants :
- renforcer la capacité d’initiative de la Commission, qui doit demeurer le pivot du système de gouvernement de l’Union européenne, en préservant l’équilibre avec le Parlement européen ;
- généraliser le vote à la majorité qualifiée dans le Conseil et réviser le processus de décision par une nouvelle pondération des voix ou, à défaut, par le système de la double majorité ;
- généraliser le pouvoir de codécision du Parlement européen dans les domaines où s’applique le vote à la majorité qualifié dans le Conseil et renforcer ses pouvoirs financier et constitutionnel ;
- supprimer le droit de veto pour la mise en œuvre des coopérations renforcées, qui doivent aussi s’appliquer à la politique étrangère et de sécurité commune (moyennant des mécanismes appropriés de flexibilité), être ouvertes aux pays candidats et ne pas créer des sous-ensembles multiples dans une Europe à la carte
- intégrer dans le traité la charte des droits fondamentaux reconnaissant les droits civiques et politiques à égalité avec les droits économiques et sociaux, en prévoyant une évaluation et une révision régulières selon la méthode de la Convention ;
- assurer la coordination des politiques économiques nationales afin de constituer un véritable gouvernement économique européen ;
- intégrer dans le traité les avancées institutionnelles récentes en matière de défense.

      Vers une constitution européenne

La réforme institutionnelle n’est pas une condition suffisante pour permettre à l’Union de faire face aux défis du troisième millénaire (la globalisation, notamment) et pour réussir le nouvel élargissement.

Il faut bâtir une Union forte de son unification économique et monétaire, affirmante le caractère central de son modèle social, exigeante pour sa sécurité extérieure et intérieure, intransigeante partout où les droits de la personne humaine, la démocratie ou le respect des minorités sont menacés et solidaire vis-à-vis des pays en voie de développement : une Union capable de réaliser progressivement son objectif fédéral.

La question de l’élaboration, de l’adoption et de la mise en œuvre d’une constitution européenne ne pourrait pas se limiter à un débat institutionnel abstrait mais elle doit être inscrite dans le cadre des exigences concrètes ci-dessus indiquées.

Cette question, qui demeure l’objectif essentiel du Mouvement européen international, est de nouveau à l’ordre du jour du débat européen notamment grâce au discours du ministre des affaires étrangères allemand, M. Fischer, du 12 mai 2000, aux déclarations du président de la République tchèque, M. Havel, et à l’initiative des présidents de la République de l’Allemagne, M. Rau, et de l’Italie, M. Ciampi.

L’objectif d’une constitution européenne sur base fédérale exige une large mobilisation populaire, un acte de courage des gouvernements nationaux et une méthode démocratique garantissant la participation des représentants des citoyens et de la société civile européenne. Dans cet esprit, un mandat pourrait être donné à une "convention " constituée selon les mêmes critères de celle chargée d’élaborer une charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Anne-Marie IDRAC : Présidente du Conseil français du Mouvement Européen

José Maria GIL ROBLES : Président du Conseil espagnol du Mouvement Européen

Giorgio NAPOLITANO : Président du Conseil italien du Mouvement Européen