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Contribution du MEF à la convention sur l'avenir de l'Europe


Avant-propos

       Fort de ses convictions fédéralistes et de son caractère de mouvement civique pluraliste, riche du rôle très actif que jouent, au sein de la Convention, Pervenche Berès et Alain Lamassoure au nom du Parlement européen ainsi qu'Hubert Haenel au nom du Sénat, tous trois membres de son bureau national, le Mouvement Européen-France doit arrêter maintenant ses propositions sur la nouvelle architecture de l'Union. Il le fait à l'issue d'un long processus de réflexion démocratique qui a mobilisé tout au long de l'année d'une part les sections et associations nationales membres, d'autre part les membres du bureau national, des personnalités et des experts réunis au sein de quatre groupes de travail. Il prend position après les trois temps forts qu'ont été le conseil national du 6 juillet, le colloque du 12 octobre " Besoins d'Europe " et la journée d'études du 13 octobre.

       Les thèmes qui sont revenus le plus fréquemment dans les prises de position des sections et les contributions individuelles sont les suivants :

       - la nécessité pour l'Europe de s'exprimer d'une seule voix sur les questions de politique étrangère et de sécurité commune et dans les institutions multilatérales, de doter cette politique de moyens et de mettre en place une capacité de défense commune ;

       - le besoin d'une politique économique commune et la possibilité pour l'Union de lever l'impôt ;

       - la conclusion d'un traité social ;

       - la création d'un procureur européen, la définition d'un corpus de règles de procédure et d'infractions pénales et la communautarisation du 3ème pilier ;

       - le refus de la renationalisation de la politique agricole commune et l'augmentation des moyens consacrés à la politique régionale ;

       - la création d'un statut européen d'entreprises publiques ;

       - l'élection d'un président de l'Union par le Parlement européen et la régionalisation du mode de scrutin aux élections européennes.

       L'ensemble des contributions fait l'objet d'un tiré à part.

       Les rapports des trois groupes de travail chargés de faire des propositions respectivement sur le rôle de l'Union européenne dans le monde, sur le citoyen au cœur de la refondation de l'espace judiciaire européen, enfin sur les questions économiques et sociales avec la participation des partenaires sociaux, sont joints au présent document de synthèse qui émane des travaux du quatrième groupe sur les questions institutionnelles communes aux trois piliers.

Ces différents documents forment un tout indissociable pour exprimer la position du Mouvement Européen-France sans pour autant lier les membres de son bureau national qui siègent à la Convention ni les personnalités et experts qui ont été associés à ses travaux.


I. Les avancées de la Convention

       Depuis le Conseil européen de Séville, un consensus s'est dégagé au sein de la Convention sur quatre sujets essentiels :

- le texte issu de la Convention ne comportera aucune option ;
- l'Union doit être dotée d'une personnalité juridique qui permettra d'envisager une fusion des deux traités actuels, le traité CE et le traité sur l'Union européenne, et de rapprocher et rationaliser les divers instruments juridiques de l'Union des différents piliers ayant une portée similaire ;
- le principe de l'intégration de la Charte des droits fondamentaux dans le traité à caractère constitutionnel semble acquis ;
- tout national d'un Etat membre sera citoyen de l'Union et utilisera librement l'une ou l'autre citoyenneté avec les droits et les devoirs qui sont attachés à chacune d'elles.

       Après le second référendum irlandais qui permet au traité de Nice d'entrer en vigueur, l'avant-projet de traité constitutionnel présenté par le président de la Convention à la séance plénière des 28 et 29 octobre 2002, huit mois après l'ouverture de la Convention, marque une étape décisive sur la voie qui mène à la signature d'un traité constitutionnel avant la fin de l'année 2003 et à la fusion du traité sur l'Union européenne et du traité instituant la Communauté européenne. Dans ses trois parties consacrées à l'architecture institutionnelle, aux politiques et aux actions de l'Union, enfin aux dispositions générales et finales, cet avant-projet pose les fondements d'une Union rénovée capable d'accueillir les dix pays candidats (Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, République slovaque, République tchèque et Slovénie), dont le Conseil européen de Bruxelles (24-25 octobre 2002) a constaté qu'ils réunissaient les conditions pour adhérer à l'Union à partir du début de 2004.

Le Mouvement Européen-France salue ces différentes avancées qui répondent à ses souhaits. Il souligne cependant :

- que, s'agissant du traité de Nice, les nouveaux modes de pondération des voix et de calcul de la majorité qualifiée, qui résultent de la mise en œuvre du protocole et de la déclaration relatifs à l'élargissement, doivent être interprétés dans un sens qui ne bloque ni les travaux de la Convention ni le processus d'intégration de l'Union ; il convient aussi de tirer le meilleur parti des nouvelles dispositions en matière de politique étrangère et de sécurité commune relatives à la conclusion des accords avec des pays tiers ou des organismes internationaux, à la gestion des crises et aux coopérations renforcées ;
- que, s'agissant de la personnalité juridique de l'Union, toutes les conséquences devront être tirées, au plan juridique, en prévoyant l'adhésion de l'Union à tous les instruments juridiques auxquels la Communauté et ses Etats membres ont adhéré et en étendant les compétences de la Cour de Justice à l'ensemble des compétences de l'Union, et au plan des procédures et modes de décision, en reconnaissant la pertinence de la méthode communautaire partout où elle permet de mieux affirmer l'intérêt général de l'Union ;
- que, s'agissant de la nature de l'Union rénovée, toutes les compétences communes ont vocation à être gérées sur un mode fédéral et toutes les décisions dans le cadre de ces compétences ont vocation à être prises à la majorité qualifiée ;
- enfin que dans sa rédaction actuelle, le projet d'article 13, qui prévoit que " dans certains domaines les Etats membres définissent et mettent en œuvre, dans le cadre de l'Union, une politique commune selon des modalités spécifiques ", est dangereux, car il ouvre la porte à la remise en cause de l'acquis communautaire et au délitement de la méthode communautaire.


II. Les propositions du Mouvement Européen-France

Le Mouvement Européen-France souhaite regrouper ses propositions autour de quatre thèmes principaux :

       A. Les finalités et les objectifs de l'Union élargie


       L'Union européenne se définit par ses valeurs, par l'adhésion de ses peuples et par les acquis d'une construction politique, juridique, économique, sociale et culturelle qui n'a pas d'équivalent dans le monde.

Elle doit se doter d'institutions qui lui permettent de porter et d'enrichir un modèle d'économie sociale de marché où se conjuguent la meilleure efficience économique et technologique possible, une exigence toujours plus forte de cohésion et de justice sociale, et une plus grande responsabilité dans la protection des biens publics mondiaux et dans la solidarité vis-à-vis des pays en développement.

Dans l'ordre interne, les objectifs qui lui sont assignés sont de créer une Union économique et sociale, condition de la prospérité et de la démocratie en Europe, et de mettre en place un espace équilibré de liberté, de sécurité et de justice qui garantisse le respect des droits énoncés dans la Charte des droits fondamentaux et défende l'ordre public européen. Il lui appartient aussi, en liaison avec les Etats membres, de favoriser la constitution d'un espace public qui soit garant vis-à-vis du citoyen européen non seulement de la légitimité démocratique et du bon fonctionnement des institutions, mais aussi de la transparence et de la bonne compréhension des politiques et de l'action de l'Union. A cet égard, l'Union encouragera le développement des partis politiques européens, développera la méthode de coordination ouverte et consultera plus largement les réseaux associatifs européens.

       Ses décisions et ses actes juridiques seront fondés sur les principes essentiels que sont la solidarité, la liberté, la subsidiarité, la proportionnalité et le respect de l'identité nationale de chaque Etat membre.

       Dans l'ordre externe, l'Union doit arrêter des positions communes dans toutes les instances de la gouvernance globale et y parler d'une seule voix. Elle doit assurer la paix sur le continent européen et doit œuvrer partout dans le monde pour maintenir la paix, défendre les droits de la personne humaine, promouvoir les valeurs de démocratie et d'Etat de droit et le modèle de développement économique et social européen. Au-delà des acquis que sont la politique commerciale commune, les relations avec les pays ACP, la politique de coopération au développement et d'aide humanitaire et le réseau très dense d'accords économiques, d'association et de partenariat, l'objectif qui doit lui être assigné désormais est de devenir un acteur international crédible en mettant en œuvre une politique étrangère et de sécurité commune appuyée sur une capacité de défense crédible.

       B. La clarification des compétences

       La clarification des compétences respectives de l'Union et des Etats membres est centrale dans les débats de la Convention, non seulement parce que les déclarations de Nice et de Laeken l'ont expressément demandé, mais aussi parce que les conflits de compétence se sont multipliés au cours des dernières années, y compris avec les régions. Il se dégage ainsi, au sein de la Convention, une orientation forte pour que les parlements nationaux soient impliqués dans le contrôle de l'application du principe de subsidiarité.

       Pour sa part, le Mouvement Européen-France considère que la clarification des compétences est nécessaire mais découle des objectifs prioritaires assignés à l'Union et du contenu des politiques. Elle ne saurait se réduire à la seule question du contrôle politique de la subsidiarité. Sur ces bases, le travail de clarification pourrait s'inspirer des principes suivants :

- Le contrôle de l'application du principe de subsidiarité devrait être confié aux trois institutions (Parlement, Commission, Conseil). Les parlements nationaux qui sont représentés à la Convention ont vocation à être associés à ce contrôle, en débattant chaque année d'un rapport sur les conditions d'application de ce principe, en émettant des recommandations, voire en disposant d'un pouvoir d'avertissement strictement encadré.

- Les compétences d'attribution de l'Union, exclusives ou partagées, devraient être déterminées selon une approche ratione materiae qui soit cohérente avec les finalités et les missions qui lui sont assignées. Il ne saurait donc être question de remettre en cause les compétences exclusives résultant des traités antérieurs. Cette approche doit aussi inspirer les mesures en vue de fonder l'Union économique et sociale et de mettre en place l'espace de liberté, de sécurité et de justice.

- Les décisions relatives à la politique étrangère et de sécurité commune et à la politique européenne de sécurité et de défense ne devraient relever ni d'une approche exclusivement intergouvernementale ni d'une approche complètement communautaire, mais d'un mariage harmonieux et pragmatique des deux méthodes. Sans préjuger des nécessaires évolutions futures, les dirigeants de l'Union devraient se fixer l'objectif d'utiliser à chaque fois que cela est possible la méthode communautaire, y compris pour son financement, et d'y recourir à chaque fois qu'un intérêt essentiel de l'Union est en cause.

- La clause évolutive de l'article 308 du TCE devrait être invoquée aussi bien pour transférer une nouvelle compétence communautaire d'attribution à l'Union que pour ramener dans la sphère de compétence nationale des législations européennes ou des politiques communes qui, après étude d'impact, n'auraient plus d'utilité pour la bonne marche de l'Union. Son déclenchement, le cas échéant selon une procédure d'urgence, requerrait l'accord du Conseil européen à la majorité qualifiée et du Parlement européen à la majorité absolue de ses membres.

- Dans les domaines de compétences partagées, une voie de recours devant la Cour de Justice pourrait être laissée à l'initiative d'un tiers des parlementaires européens ou de deux Etats membres (gouvernements ou parlements nationaux) ou plus représentant 36 voix (selon l'article 3 du protocole annexé au traité de Nice) préalablement à l'entrée en vigueur de l'acte législatif communautaire.

- Enfin, il faut prévoir une double procédure de révision des traités, la première pour les matières proprement constitutionnelles (énoncées dans la première partie et les dispositions finales de l'avant-projet de traité constitutionnel) qui emprunterait la voie des ratifications par les Etats membres conformément à leurs règles constitutionnelles respectives (article 48 du TUE révisé pour intégrer le rôle dévolu à la Convention), la seconde pour les autres matières (politiques et actions de l'Union, fonctionnement de l'Union) qui relèverait d'une approbation dans les mêmes formes par le Parlement européen et le Conseil européen.

       C. Le contenu des politiques de l'Union

       La reconnaissance de la personnalité juridique de l'Union crée les conditions de la fusion du traité sur l'Union européenne et du traité instituant la Communauté européenne et amène à revoir l'architecture institutionnelle de l'Union.

       Dans ce contexte, la détermination du contenu des politiques est un préalable à la définition des fonctions exécutives au sein de l'Union et à l'examen de la répartition des compétences entre l'Union et les Etats membres. Les politiques communes ne doivent pas être démantelées, mais au contraire renforcées dans le respect du principe de subsidiarité et dans le cadre du budget communautaire.

       1. Les politiques économiques et sociales

       L'acquis communautaire dans le domaine social est significatif. En effet, l'inclusion dans le traité CE de l'accord de 1991 sur la politique sociale entre les partenaires sociaux européens (articles 137 et suivants issus du traité d'Amsterdam), la " méthode ouverte de coordination " mise en œuvre notamment à travers la stratégie européenne de l'emploi, enfin plus récemment le dialogue sur les grandes orientations de politiques économiques de l'Union ont sensiblement renforcé la participation des acteurs sociaux. Cet acquis doit être consolidé, ce qui passe par des décisions du Conseil à la majorité qualifiée.

       L'Union européenne doit être beaucoup plus active en matière sociale, soit par la voie législative ou réglementaire, soit par la voie conventionnelle et contractuelle. Le bon fonctionnement du marché intérieur et la bonne application des règles de concurrence impliquent non seulement une harmonisation fiscale mais encore le développement de normes sociales communes.

       Le bon fonctionnement de la zone euro exige de mettre en place une véritable coordination des politiques économiques, qui permettrait aux partenaires sociaux européens d'être écoutés, à la Commission de jouer son rôle de garant de l'intérêt général et à l'Eurogroupe de n'être plus un lieu d'échanges de vue mais d'exercer un véritable pouvoir de décision dans la mise en cohérence des décisions de politique économique nationales. Cela implique que les décisions soient prises à la majorité qualifiée, que les pays participants s'engagent à consulter leurs partenaires avant toute décision significative de politique économique. Le pacte de stabilité et de croissance devrait être revu afin de retenir comme critère principal le plafond de dette publique par rapport au PIB et d'assurer le financement des investissements publics.

       2. L'espace de liberté, de sécurité et de justice

       Dans un premier temps, en partant de la proposition faite récemment par le président de la Commission et visant à confier à des vice-présidents la supervision de plusieurs portefeuilles de commissaire, il conviendrait d'explorer la possibilité de confier à un commissaire à statut spécial les affaires intérieures et de justice avec un mandat ambitieux (élaboration de plans d'action et de propositions de codification des règles de procédure civile et pénale soumis au Conseil et au Parlement européen, droit d'engager des actions en manquement à l'encontre d'un Etat membre qui faillirait à ses obligations en matière de sécurité intérieure et de justice).

Outre sa fonction législative qu'il exercerait en codécision avec le Parlement, le Conseil des ministres JAI se verrait confier la responsabilité de recenser les pratiques nationales, d'adopter des lignes directrices inspirées des acquis de la stratégie européenne pour l'emploi et d'apprécier les progrès accomplis par les Etats membres dans leur mise en œuvre.

Afin de faciliter l'émergence d'un corpus commun de règles de procédure et d'interprétation du droit européen, au regard en particulier de la Charte des droits fondamentaux, plusieurs mesures sont proposées :

- la généralisation de l'utilisation des questions préjudicielles ;
- l'instauration d'un mécanisme comparable au recours en manquement, mais beaucoup plus rapide, pour garantir le respect d'un corpus commun de règles ;
- le caractère exécutoire dans l'ensemble de l'Union européenne de tout titre obtenu légalement en matière civile ou pénale dans un Etat membre, par application du principe de reconnaissance mutuelle ;
- la nomination par le Conseil européen avec l'accord du Parlement d'un procureur européen placé auprès du président du Conseil JAI.

Il convient enfin de renforcer l'efficacité de la coopération des polices nationales dans la conduite des enquêtes transnationales. Dans ce cadre, Europol pourrait être doté de pouvoirs d'enquête propres mais devrait être soumis à un contrôle législatif et juridictionnel.

       3. La politique étrangère et de sécurité commune et la politique euro-péenne de sécurité et de défense

       Face aux enjeux de la mondialisation, de l'élargissement et de la lutte contre le terrorisme, l'Union n'a plus le choix. Elle doit se doter des moyens de ses ambitions.

       Par tradition, par culture et par héritage institutionnel, l'Union est beaucoup plus adaptée à relever le défi de l'élargissement que celui de la sécurité internationale, parce que la gestion des normes et de la diversité en temps de paix lui est plus familière que la gestion des crises et le recours à la force. Ses positions sur la bonne gouvernance et sur la nécessaire régulation de la mondialisation restent sur le terrain de la rhétorique. L'Europe est absente par carence de la traduction externe de son intégration interne à l'exception du commerce. Elle n'a pas d'efficacité sur la scène internationale, parce qu'elle n'a pas une seule diplomatie mais seize diplomaties séparées.

       C'est dans ce nouveau contexte et à la lumière de ces constats qu'il devient impératif de jeter les fondements d'une stratégie européenne qui permette à l'Union de devenir un véritable acteur international, en mettant en œuvre une politique étrangère et de sécurité commune appuyée sur une capacité de défense crédible, en mettant fin aux initiatives séparées, voire concurrentes, entre l'Union et les Etats et en assurant une réelle coordination des acteurs et des multiples instruments qui sont disséminés entre les différents piliers et servent mal une stratégie globale.

       Pour atteindre cet objectif ambitieux, trois urgences s'imposent :

- élaborer un concept stratégique dans lequel soient clairement énoncés d'une part les intérêts européens dans un monde globalisé, d'autre part la spécificité et les priorités de l'action extérieure ;

- donner plus de crédibilité à la politique étrangère et de sécurité commune en relançant le développement de la politique européenne de sécurité et de défense et en dotant l'Union d'une véritable capacité de gestion des crises (extension des missions de Petersberg à la lutte anti-terroriste);

- doter progressivement l'Union d'une représentation extérieure unique dans toutes les matières où elle est compétente au plan interne, dont les premières étapes pourraient être la représentation unique de l'Union économique et sociale intégrée dans les institutions économiques, sociales et financières internationales et l'unification des relations extérieures en une compétence communautaire claire et une représentation unique.

       D. L'exercice des fonctions législatives et exécutives

Sur ces questions difficiles et sensibles, le Mouvement Européen-France exprime son inquiétude vis-à-vis des critiques de plus en plus vives dont la Commission européenne est l'objet. Il marque sa méfiance à l'égard des propositions qui visent à la fois à faire d'un président du Conseil européen, désigné parmi les anciens chefs d'Etat ou de gouvernement pour une période de cinq ans, le véritable responsable de l'action extérieure de l'Union et à réduire le droit d'initiative de la Commission tant dans la sphère externe que dans la sphère interne.

Il formule les propositions suivantes :

- La Commission européenne, qui a montré qu'elle était un formidable catalyseur de confiance et qu'elle s'attachait à incarner l'intérêt général de l'Union, a vocation à être l'exécutif européen dans les domaines de compétence exclusive, tout en en partageant certains attributs avec les Etats membres en tant que pouvoirs exécutifs déconcentrés. Plusieurs conséquences doivent en être tirées. Son président doit être choisi au sein de la majorité issue des élections européennes. Sa composition doit conserver l'esprit d'une coalition et d'un collège, tout en étant structuré, comme le propose le président Prodi, avec des vice-présidents supervisant plusieurs portefeuilles de commissaire. Lors de la discussion d'un projet d'acte législatif, le collège doit pouvoir engager sa responsabilité devant le Parlement et le Conseil européen et être démis par eux. Cet engagement de responsabilité est le corollaire indissociable du droit dévolu au Parlement de renverser la Commission dans le cadre d'une procédure de motion de censure. En outre, il y a des domaines où la fonction exécutive de la Commission doit être soumise à un contrôle politique particulier du Conseil et du Parlement.

- Le Conseil a vocation à exercer avec le Parlement européen la fonction législative, tout en en partageant certains attributs avec les parlements nationaux en tant que pouvoirs législatifs déconcentrés au nom de la hiérarchie des normes et du principe de subsidiarité (définition de principes généraux, d'orientations et d'objectifs à atteindre au niveau de l'Union ; renvoi de la transposition détaillée dans l'ordre interne à chaque Etat membre sous le contrôle de la Commission européenne et de la Cour de Justice, gardiennes des traités).

- Le Conseil a aussi vocation à exercer avec la Commission la fonction exécutive pour les matières de compétence partagée et à coordonner l'action des exécutifs nationaux dans les conditions définies par le traité pour les matières où la méthode intergouvernementale continue à s'appliquer. Les fonctions exécutives et législatives du Conseil devraient être distinguées tant dans les ordres du jour et les procédures que dans l'information du public (s'il s'agit d'un texte législatif, mise en place d'une procédure de dépôt des amendements, ouverture des séances au public et comptes rendus des débats publiés au JO des Communautés).

- Dans le cadre de la décision du Conseil européen de Séville de ramener à neuf le nombre de formations du conseil, il est souhaitable de constituer un Conseil des ministres chargés des affaires extérieures (PESC et relations extérieures) et des ministres de la défense. Il convient aussi de donner au Conseil chargé des affaires générales une triple fonction de coordination des travaux des autres formations du Conseil et de préparation des Conseils européens sur les matières communautaires, d'examen de la subsidiarité avant tout dépôt par la Commission d'une proposition de règlement ou de directive en liaison avec le Parlement, enfin de chambre des Etats chargée de voter les textes de nature législative, le cas échéant après avis des formations sectorielles.

- Avec le grand élargissement, la présidence tournante de l'Union tous les semestres semble condamnée. Le président du Conseil européen doit être désigné pour une durée unique suffisamment longue, par exemple la moitié d'une législature du Parlement européen, et doit jouer un rôle de coordination des travaux. Les formations sectorielles ainsi que le Conseil ECOFIN et l'Eurogroupe pourraient désigner leur président en leur sein. Les présidents du Conseil chargé des affaires générales et du Conseil des ministres chargés des affaires extérieures (PESC et relations extérieures) et des ministres de la défense pourraient être désignés par le Conseil européen en même temps que celui-ci élirait son président.

- La question de la fusion des fonctions de M. PESC et du commissaire aux relations extérieures est encore plus délicate à trancher, car elle conduit à modifier l'équilibre des pouvoirs soit dans un sens encore plus intergouvernemental, soit dans un sens communautaire. A ce stade, le Mouvement préconise que les deux fonctions et les services compétents du Conseil et de la Commission soient fusionnés. Le commissaire en charge de la PESC et des relations extérieures aurait un statut individuel spécial avec un monopole d'initiative qui lui serait associé dans tous les domaines d'intervention où la méthode communautaire pourrait s'appliquer. Il serait vice-président de la Commission, nommé par le Conseil en accord avec le Parlement européen, et serait individuellement responsable devant le Conseil.

- Les décisions relevant des compétences exclusives de l'Union doivent être prises à la majorité qualifiée. La procédure de codécision doit devenir la règle pour l'adoption des actes législatifs. Le Parlement européen doit recevoir le pouvoir de lever un ou des impôts communautaires (écotaxe, accises, impôt sur les sociétés,…), le financement par l'impôt se substituant progressivement au système des ressources propres.

- Pour tenter de combler le déficit démocratique, il faut rendre compréhensible pour le citoyen européen le fonctionnement des institutions européennes et le processus de décision. Cela passe par la réforme du mode de scrutin aux élections européennes, comme le Mouvement Européen-France l'a proposé en 1998, avec l'introduction d'un contingent de 10% d'élus sur des listes transnationales, et par un allègement des ordres du jour du Parlement afin de permettre aux députés de consacrer plus de temps dans leur pays respectif aux contacts avec les citoyens. Cela exige aussi un effort de la part des commissaires dans la présentation de leurs propositions à la presse, au Parlement ou au Conseil. Cela nécessite enfin de la part des gouvernements le courage politique d'assumer les résultats des compromis quand ils ont été défavorables.

       E. La ratification du traité constitutionnel

La conclusion d'un traité constitutionnel est un acte refondateur de la construction européenne. C'est pour cette raison qu'il doit être soumis à ratification par la voie d'un référendum organisé le même jour dans tous les Etats membres de l'Union.