REPONSES AU QUESTIONNAIRE DU MOUVEMENT EUROPEEN
Avant propos :
J'aurais souhaité que le questionnaire pose les questions de fond
dans leur ordre logique, comme l'a fait VGE dans son discours :
- quel est le rôle de l'Europe, quelle est sa raison d'être
;
- qui fait quoi, c'est le problème de répartition des compétences
et de la subsidiarité ;
- comment s'organise-t-on pour répondre aux deux points précédents,
c'est le problème des institutions.
On retrouve ces interrogations de fond de façon sous-jacente à
différents endroits du questionnaire et je m'efforcerai d'y répondre
chemin faisant.
1) L'Europe dans le monde
La raison d'être de l'Europe est de défendre efficacement
ses valeurs et sa vision stratégique.
Les valeurs sont celles de l'humanisme et des lumières auxquelles
tous les pays membres sont attachés. Il s'agit de la liberté
individuelle et des droits fondamentaux qui la garantissent, de la responsabilité
individuelle qui en est le corollaire, du respect du droit égal
pour tous, de la tolérance, de la solidarité, de la paix
La vision stratégique pourrait être :
- maîtriser notre démographie (équilibre entre vieillissement
et flux migratoires)
- assurer un développement durable (priorité à l'éducation
et à la recherche, paix sociale grâce à l'égalité
des chances pour tous et à la solidarité, attractivité
du " site Europe " pour les investissements, valorisation du
travail, respect de la nature
)
- conserver notre diversité culturelle
- organiser notre défense
- uvrer pour la paix dans le monde.
Pour défendre ces objectifs, l'Europe doit disposer d'une politique
extérieure et de sécurité commune. Elle doit parler
d'une seule voix. Elle doit pouvoir agir comme un Etat à part entière
qui dispose d'un exécutif et d'un contrôle parlementaire.
Les décisions sont à prendre par cette structure et non
par les Etats membres. La représentation dans les organisations
internationales serait donc assurée par l'Europe agissant pour
le compte de ses membres.
Les institutions sont traitées au chapitre 9.
La défense commune serait bien entendu associée à
l'OTAN comme le sont les défenses nationales actuelles, et les
relations avec les Etats-Unis resteraient ce qu'elles sont (ou devraient
être) c'est à dire amicales et privilégiées,
à cette différence près que l'opinion de l'Europe
pèserait plus lourd que les opinions discordantes et concurrentes
des gouvernements dans le système actuel. Au sein de l'OMC le poids
de l'Europe serait également plus grand pour y défendre
ses principes de liberté de circulation des marchandises et capitaux.
En particulier elle pourrait uvrer pour favoriser l'ouverture des
marchés des pays riches aux produits en provenance des PVD.
2) Unification judiciaire
En vertu du principe de subsidiarité il faut que le droit reste
pour l'essentiel dans le domaine des Etats. Les lois communes sont transposées
dans les droits nationaux. Ce qui manque sans doute c'est la notion de
délit " fédéral " avec l'appareil judiciaire
qui va avec. Il faudrait aussi simplifier les extraditions et sans doute
mettre en commun tout ce qui concerne la lutte contre le terrorisme et
la criminalité internationale en général.
3) Développement économique durable
Il faut avoir une vision commune, mais de la souplesse et de la concurrence
dans l'exécution. Je m'explique : il est essentiel que tous les
membres embrassent sans réserve l'économie de marché
et s'engagent à défendre les libertés essentielles
qui la rendent possible. Une fois ceci acquis il n'est pas nécessaire
d'unifier les politiques budgétaires et fiscales, d'autant plus
que la concurrence sur les bonnes pratiques est stimulante, mais il faut
qu'elles soient orientées dans le même sens. Donc il faut
des garde fous, des fourchettes d'objectifs à atteindre par chacun,
bref de la coordination assortie de sanctions pour ceux qui déraperaient
gravement. Au fonds la logique de pacte de stabilité me convient
assez. La BCE doit conserver son indépendance. Elle peut discuter
avec une structure genre Ecofin, mais elle n'a d'instructions à
recevoir de personne.
La protection de la nature et les normes de sécurité alimentaires
devraient être communs, car il n'y a pas de frontière dans
ces domaines.
Par contre pourquoi redouter la concurrence fiscale ? Il faut au contraire
la favoriser dans l'intérêt des contribuables. La concurrence
poussera les prélèvements vers le bas.
Le développement durable suppose aussi que les Européens
se dotent d'un enseignement et d'une recherche de qualité. Là
aussi en prévoyant un accord sur l'objectif mais de la souplesse
et de la concurrence dans la réalisation.
Enfin, qui dit développement durable dit d'abord développement.
Il faut donc que le site Europe soit attractif pour les investisseurs
et les entrepreneurs (des prélèvements faibles, un marché
du travail souple, une réglementation stable et compréhensible,
une justice efficace et prévisible, une main d'uvre de qualité,
etc..).
4) L'Europe sociale
L'Europe doit être avant tout un espace de liberté, car seule
la liberté d'entreprendre, de créer de posséder etc..
crée la richesse dont chacun profite.
L'égalité doit être une égalité de chances
pas une égalité de résultats. Donc une égalité
d'accès à l'éducation, à la santé,
à la justice, pas une égalité de revenus. Bien entendu
les victimes des accidents de la vie, les laissés pour compte doivent
pouvoir compter sur un filet de sécurité social minimum.
Pour ce qui est des relations sociales, il faut faire confiance au contrat
au sein des entreprises et des professions, cela ne devrait concerner
que fort peu l'Europe et les Etats membres (subsidiarité oblige).
5) Equilibre économique de l'Union
Il faut sûrement revoir les règles d'attribution des fonds
structurels dans l'optique de l'élargissement. Les 15, après
des années de prospérité, ont moins de besoins. On
peut donc diriger les fonds vers les nouveaux venus qui partent de plus
bas. Plutôt que d'augmenter l'enveloppe de fonds je verrais une
redistribution.
6) Politique agricole commune
Pour moi la PAC doit disparaître à terme. Les produits agricoles
sont des produits comme les autres, ils doivent bénéficier
du marché unique et les producteurs doivent orienter leurs productions
en fonction de la demande et de leur créativité, et non
d'une quelconque politique de subventions et d'un maquis réglementaire.
Bien sûr il faut prévoir des étapes, des aides pour
la reconversion, il faut aussi assurer les risques climatiques. Faisons
confiance au marché . Il n'y a pas de raison qu'on aide davantage
l'agriculture que la sidérurgie. Oui à une aide à
la reconversion, non à des aides permanentes.
7) Diversité culturelle et linguistique
La diversité culturelle et linguistique de l'Europe est sa principale
richesse et ce qui la différencie des Etats Unis. Laissons donc
s'épanouir toutes nos cultures dans le joyeux désordre actuel.
Le problème linguistique pourrait être résolu si chaque
enfant apprenait l'espéranto, langue construite, facile à
apprendre, très structurée qui est une bonne base pour l'apprentissage
d'autres langues. Ceci permettrait au bout de quelques années à
tous les citoyens de pouvoir communiquer entre eux au moyen d'un véhicule
unique sans donner un avantage exorbitant aux anglophones. Cela permettrait
aussi aux officiels de se réunir sans avoir besoin de ces armées
de traducteurs. L'idée est très ancienne, mais toujours
aussi pertinente. Cela n'empêcherait pas, bien au contraire, l'apprentissage
d'une ou plutôt deux langues étrangères. La seule
décision à prendre serait donc de dire, tous les enfants
apprendront l'espéranto dans tous les pays de l'Union. En une génération
le problème est réglé. C'est plus simple à
réaliser que l'euro et au moins aussi efficace pour développer
le sentiment d'appartenance.
On pourrait aussi apprendre aux jeunes l'histoire de l'Europe en plus
de celle de leur pays ; et rendre accessible dans chaque pays une ou deux
chaînes de télé des voisins. Lorsque je suis en Alsace,
je suis heureux de pouvoir zapper sur une dizaine de chaînes allemandes.
Enfin, pour ce qui est de la politique culturelle dans les négociations
internationales, il est urgent de ne rien faire. La création artistique
doit être libre et si elle est de qualité elle se vendra
partout. Là encore laissons faire le marché, les citoyens
sont assez grands pour savoir quel film ils veulent voir ou quelle musique
ils veulent écouter, inutile qu'un fonctionnaire ou un homme politique
choisisse à leur place. Si un créateur a du talent, il trouvera
toujours un financement et un public ; pas besoin de subventions ni de
protection.
8) Ressources de l'Union européenne
Il faut sans doute augmenter un peu le budget européen dans la
perspective de l'élargissement. Bien entendu le parlement doit
le voter et contrôler son utilisation, si non à quoi sert
un parlement. Mais, en vertu du principe de subsidiarité, il est
important que l'Europe ait un budget adapté à ses missions.
Ni plus, ni moins.
9) Institutions
Pour essayer de mettre un peu d'ordre dans ce qu'est et devrait être
la construction européenne, il faut commencer par répartir
les compétences. Il y a je pense trois niveaux, selon l'endroit
où se prennent les décisions :
· Les décisions sont prises au niveau local, régional
ou de l'Etat membre. C'est la police, l'essentiel de l'éducation,
des infrastructures, des systèmes de protection sociale, du droit
et de la justice, etc
A ce niveau les institutions existent, ce sont la Commune, la Région
et l'Etat. Chacun s'organise au mieux, les meilleures pratiques finiront
par essaimer partout, l'Europe n'intervient pas.
· A l'autre bout, les décisions sont prises par l'Europe.
C'est à mon avis la diplomatie et la défense, la sécurité
intérieure commune, la représentation dans les instances
internationales, etc..La stratégie de l'Europe dans le monde doit
être élaborée là. A ce niveau l'Europe doit
agir comme un Etat fédéral. Elle doit disposer d'un exécutif
et d'un parlement bicaméral, la chambre basse représentant
le peuple au prorata de la population, la chambre haute représentant
les Etats membres (chacun comptant pour une voix ? pondération
?). Une sorte de Sénat ou de Bundesrat. Le Parlement et l'exécutif
sont élus selon des règles à définir, les
Etats membres n'interviennent pas dans les décisions. Un texte
constitutionnel doit définir ce que l'exécutif peut décider
seul et ce qui requiert l'intervention du parlement
Cet échelon est à construire. Ce serait une des tâche
essentielle de la Convention.
· Entre les deux, les décisions sont prises ensemble par
les Etats comme actuellement. C'est le domaine de la coopération
: essentiellement l'économie., mais il peut y avoir bien d'autres
domaines.
A ce niveau les institutions existent. Il faudrait supprimer le droit
de veto, toutes les décisions se prenant à la majorité,
selon des règles simples. Profitons de ce que l'Irlande n'a pas
ratifié le traité de Nice pour revenir sur l'usine à
gaz qui y a été concoctée. La Commission actuelle
pourrait être remplacée par l'exécutif prévu
au deuxième point, et le parlement actuel serait la chambre basse
du deuxième point. Ainsi on ne multiplie pas les institutions.
Puisque ce sont les Etats qui décident, il faudrait conserver le
Conseil. Dans le cas où l'échelon fédéral,
point deux ci-dessus, ne pourrait se faire au début qu'avec une
avant-garde, l'architecture institutionnelle serait évidemment
bien plus complexe. Je n'ose m'y avanturer.
Les répartitions de compétence doivent être régies
par le principe de subsidiarité. Une sorte de Cour Suprême
pourrait être le garant du respect de la subsidiarité.
Il faut bien entendu profiter de la réforme des institutions pour
revoir et simplifier les traités.
Jacques Peter
15 03 02
|