Une divine surprise
Quand la nouvelle s’est r�pandue de la cr�ation, par la Commission des �piscopats de l’Union europ�enne (COMECE), d’un groupe de travail sur ��la dimension �thique de l’Union europ�enne��, un certain �moi a saisi les milieux pro-europ�ens la�cs fran�ais. Le fait que Pat Cox, Pr�sident du Mouvement europ�en International compt�t au nombre de ces ��sages�� catholiques, embarrassait plus d’un de nos adh�rents.
Le r�sultat de leurs travaux est… une divine surprise. Certes, la qualit� des participants, leur comp�tence, leur humanit� permettaient d’esp�rer le meilleur : Karl Lamers, Mario Monti, Philippe de Shoutheethe, Steven Wall et bien d’autres, r�unis pouvaient difficilement nous d�cevoir (texte int�gral ici). Mais le terrain �tait min�. Ils ne nous ont pas d��us.
Ce texte assez bref, r�dig� dans un fran�ais limpide, m�rite d’�tre lu in extenso. Mais trois points m�ritent tout particuli�rement d’�tre soulign�s.
D’abord, ils ont �vit� le pi�ge des ��racines chr�tiennes���; alors que le pape Beno�t XVI appelle l’Europe � ne pas renier ses racines chr�tiennes sans quoi elle sombrerait dans ��l’apostasie��, le 25 mars, le� Corriere della Sera pla�ait en une un remarquable article de Mario Monti (texte int�gral en italien ici) ��Que Rome ne s�pare pas ce qu’elle a uni��, dans lequel l’ancien Commissaire europ�en, actuel Pr�sident de l’Universit� Bocconi de Milan, affirmait avec un zeste d’impertinence�:� la force des cinquante derni�res ann�es, c’est moins pour l’Europe d’avoir afficher des valeurs chr�tiennes admirables mais si souvent bafou�es, que des les avoir enfin mises en pratique.
Mario Monti se place ainsi dans le droit fil de Robert Schuman qui, dans ��Pour l’Europe�� �crivait que ��l’Europe c’est la mise en œuvre d’une d�mocratie g�n�ralis�e dans le sens chr�tien du mot�� mais se gardait bien d’avoir fait inscrire cette conviction dans les trait�s. Schuman �crivait d’ailleurs que ��les notions chr�tiennes ont surv�cu et agi dans le subconscient d’hommes qui avaient cess� de pratiquer une religion dogmatique mais continuaient � s’inspirer de ses grands principes��. La religion qui a os� faire valoir, voil� deux mille ans qu’���il n’y a plus ni Juif, ni Grec, ni esclave, ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme car tous <sont > un en J�sus Christ�� (Galates 3, 27-28) n’est pas la religion des �tiquettes pr�d�termin�es.
Ensuite, les r�dacteurs de ce rapport ont adroitement �vit� le pi�ge de r�duire les valeurs � des questions de mœurs ou de morale sexuelle. Voil� qui est heureux dans des temps o� l’�thique est trop souvent ramen�e � ces seuls sujets. Et o� au contraire, le champ immense et f�cond des valeurs sp�cifiquement europ�ennes, li�es � la d�marche d’int�gration, est trop souvent laiss� en friche.
Enfin, le texte rappelle fort justement les principes trop souvent ignor�s qui sont le logiciel, le software, de l’int�gration communautaire�sans lequel les institutions, le hardware, ne peuvent fonctionner : le rejet du nationalisme�; la volont� que ��grands�� et ��petits�� �Etats travaillent ensemble�; le caract�re indissociable de la puissance et de la responsabilit�; la primaut� du droit et le besoin d’institutions qui en d�coulent�; la solidarit�. Ces passages valent une lecture � t�te repos�e.
Dans l’oc�an des indiff�rences, des �go�smes et des contresens sur l’Europe, ce texte est une goutte d’eau. Mais, eau vive, il vient � point nomm�.
M�me un des Pr�sidents de section du ME les plus intransigeants sur ces questions a bien voulu l�cher un ��nihil obstat��. Nul ne sait si Dieu existe mais il est certain qu’il a de l’humour.
Sylvie Goulard,
Pr�sidente du Mouvement Europ�en-France