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24 mars 2003

Compte-rendu de la conférence du ME-France :
"Les services d'interêt général en Europe : enjeux et perspectives"




Ce compte -rendu est proposé à titre indicatif et n'engage pas la responsabilité des personnalités citées.


François Lamoureux, Directeur général de la DG Transport et Energie
de la Commission européenne, a souligné, en introduction, que la notion de services d'intérêt général fait partie intégrante de la réflexion actuelle : la Commission prépare actuellement un Livre vert qui ouvrira la voie à une consultation publique.

Depuis 20 ans, les services d'intérêt général (SIG) sont en mutation. Les causes sont multiples :

- l'évolution du rôle de l'Etat, indépendamment de la construction européenne ; il ne produit plus les services publics marchands mais il les encadre, les régule…
- la création du marché intérieur, fondée sur deux idées : l'abolition des obstacles aux échanges, et l'encadrement notamment dans un but de cohésion,
- l'affirmation de la citoyenneté européenne, avec en particulier des attentes fortes en terme de qualité de la part des " usagers "

L'ouverture à la concurrence a fait apparaître des régulateurs nationaux, la Commission européenne ayant en plus un rôle de gardien de la concurrence.

La notion de SIG recouvre des réalités différentes selon les Etats membres. Il n'y a donc pas de réelle " exception " française en la matière. Les SIG font partie intégrante du modèle européen de société. Ils satisfont en général un des trois critères suivants :

- l'efficacité économique
- la solidarité, avec la péréquation (par exemple La Poste)
- la sécurité, la sûreté (par exemple la sûreté des centrales nucléaires)

Cette notion a pu être mise en œuvre sans difficulté dans le cadre communautaire puisque le Traité de Rome prévoit le principe de neutralité : les entreprises publiques et privées ont les mêmes droits et les mêmes obligations. Le principe de proportionnalité complète ce dispositif, en précisant que les restrictions imposées à la concurrence ne doivent pas excéder ce qui est nécessaire à la viabilité des services publics.

Les SIG ont trouvé leur consécration dans le Traité d'Amsterdam, dans lequel l'article 16 reconnaît que les SIG sont une valeur commune, qu'ils ont un rôle à jouer dans la cohésion, et que leur création est de la compétence des collectivités publiques.

Pour les services marchands, il faut concilier le respect de l'intérêt général et la logique de marché. Cela implique notamment une recherche de qualité, et la pression de la concurrence peut jouer un rôle bénéfique.

François Lamoureux a pris l'exemple des secteurs des transports et de l'énergie, qui ont notamment ceci en commun de nécessiter des investissements importants et par conséquent de s'être construits à partir de grandes sociétés nationales " historiques ".

La libéralisation du secteur énergétique sera accomplie en 2004 pour les entreprises et en 2007 pour les particuliers : il sera possible d'acheter de l'électricité et du gaz à des opérateurs différents.
Le développement de ce marché intérieur a été accompagné par un encadrement et des obligations :

- la protection des consommateurs vulnérables (droit à l'énergie),
- la protection des droits fondamentaux des usagers (transparence des clauses contractuelles, accès à un organe de règlement des litiges, information sur la source d'énergie),
- l'impératif de cohésion économique et sociale,
- la sécurité de l'approvisionnement et l'obligation pour les Etats membres de faire les investissements nécessaires.


Concernant les transports, la libéralisation n'est pas achevée (cf transport ferroviaire). L'ouverture du secteur a respecté les obligations de service public : les gouvernements décident des lignes qui font l'objet d'obligations de service public, le rôle de la Commission se limitant à vérifier qu'il n'y a pas de motivation illégitime.

Evoquant le futur règlement portant sur le service public de transport des voyageurs, François Lamoureux a souligné que les études réalisées montraient que les mesures de libéralisation peuvent favoriser une augmentation de l'utilisation des transports publics. En effet, la concurrence entre les transporteurs conduirait à une augmentation de la consommation de ces services.
Par ailleurs, le contenu essentiel de ce règlement est que lorsqu'une autorité octroie un droit exclusif, celui-ci est encadré par un contrat après appel d'offres, qui stipule la durée du droit exclusif. Un tel règlement est nécessaire pour éviter des annulations des décisions d'octroi d'un droit exclusif par la CJCE statuant successivement sur les dossiers qui ne manqueront pas de lui être soumis.


Une grande directive cadre sur les SIG ou des directives précisant les obligations applicables dans chaque secteur sont donc attendues. Il apparaît clairement à François Lamoureux que les SIG seraient mieux défendus par des règles détaillées pour chaque secteur, plutôt que par une grande directive cadre qui se résumerait à une pétition de principe.


Pour Yves Cousquer, Vice- Président du CEEP, les SIG évoluent de plus en plus vers un cadre européen, voire mondial. Les SIG sont caractérisés par une autonomisation par rapport à l'autorité publique qui les a créés. La notion de service universel est elle-même de plus en plus formalisée au niveau européen. Malgré la neutralité du droit communautaire vis à vis de la nature publique ou privée du capital, l'ouverture des services publics à la concurrence s'est généralisée, en lien avec des obligations spécifiques.

Au sein de la convention, il importe de défendre de grands principes :

- Dans le préambule du projet de constitution, le CEEP souhaite que le caractère d'économie sociale de marché soit reconnu, et notamment la place des SIG.
- Dans le titre I de la constitution, les SIG doivent trouver leur place dans l'énoncé des valeurs, et notamment à travers leur reconnaissance en tant que facteur de cohésion territoriale et économique.
- Dans le titre III, si l'on sait que l'article 16 du Traité d'Amsterdam se retrouvera en bonne place, il faut qu'il permette de donner une base juridique à une directive cadre sur les SIG.

Le Livre vert préfigure la directive cadre, mais il ne faut pas s'arrêter à une reconnaissance constitutionnelle. Il faut définir des principes généraux (dans la directive cadre) qui seront ensuite déclinés par secteur pour déterminer les détails des obligations.

En tout état de cause, le service public doit jouer la carte de la modernisation. Les citoyens doivent également retrouver un rôle de juge des politiques publiques, à travers des procédures d'évaluation et des débats publics, avant toute décision.

Enfin, il importe particulièrement d'affirmer l'objectif de cohésion territoriale. Il faut que l'élargissement de l'Union réussisse, ce qui implique la diffusion d'un modèle de développement. Les partenaires sociaux veulent promouvoir ce modèle social autour du projet de modernisation et de mise à niveau du service public.

Jean Lapeyre, Secrétaire général adjoint de la CES, a rappelé certains enjeux fondamentaux du débat. En effet, les SIG sont la pierre angulaire de la cohésion, il ont un rôle fondamental de solidarité et dans la qualité des relations sociales. Pourtant, les SIG n'ont trouvé leur reconnaissance dans le droit communautaire qu'en 1997 dans le Traité d'Amsterdam, où les Etats ont ainsi reconnu qu'il fallait sortir du " tout marché ".

Par ailleurs, les privatisations n'ont pas toujours fait leurs preuves : une étude CDC/Cap Gemini a démontré que l'ouverture du marché du gaz et de l'électricité ne conduirait sans doute à aucune baisse des coûts pour le consommateur.

Dans sa communication de 2002 sur la politique industrielle, la Commission ne fait aucune référence aux SIG en terme d'apport à cette politique. Or les SIG ont démontré leur importance, notamment en terme de capacité industrielle, d'investissement dans les infrastructure et de développement des compétences.

Il y a cependant un effort syndical considérable à faire. La promotion des SIG est d'autant plus possible qu'une modernisation est en cours. La perte d'emplois induite par une telle modernisation est réelle, ce qui rend nécessaire un véritable débat sur le redéploiement des structures.

La convention donne la possibilité d'ancrer la promotion des SIG dans la constitution. La Charte des droits fondamentaux doit être intégrée dans le projet de constitution. Cependant, il faut aussi une référence aux SIG dans la partie vraiment " constitutionnelle ", qui mettrait notamment en valeur leurs missions et les présenterait comme un objectif de l'Union, afin de mieux légitimer l'action de la Commission.

Sur la question du choix entre une directive cadre ou l'intégration de ces principes dans des directives concernant des politiques spécifiques, le CEEP et la CES souhaitent proposer les principes des directives pour chaque secteur concerné.

Actuellement, les négociations n'avancent pas beaucoup et il ne faut pas exclure le risque d'une " panne " du dossier après le Livre vert..