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Laurent BONSANG (Président du Mouvement Européen 77) :
          Je voudrais tout d'abord saluer la présence de Monsieur le Consul du Portugal qui nous fait l'honneur d'assister à cette conférence dans cette ville qui est l'une des principales communes lusophones et lusophiles de France. Je voudrais aussi saluer la présence du responsable du centre EDF de Melun ainsi que de Ana Maria COELHO RODRIGUES qui travaille à la Direction Générale "entreprise" de la Commission Européenne.

          Cette conférence tombe - de façon tout à fait involontaire pour nous au niveau du choix de la date - le jour du 45ème anniversaire du Traité de Rome. Cela fait depuis 45 ans déjà que ce traité a été signé par Maurice FAURE et par Christian PINEAU pour la France. Le choix de cette conférence est symbolique étant donné qu'on a souhaité organiser une conférence sur un thème important qui est celui des services publics au cours de ce début d'année. C'est vrai que l'actualité nous sert énormément avec l'organisation voilà un peu plus d'une semaine du Conseil Européen de Barcelone où on a parlé des services publics, on a parlé notamment d'ouverture à la concurrence du marché de l'énergie. Donc ce sont des questions qui seront abordées ce soir.

          Les sondages indiquent - car on ne peut pas ne pas évoquer rapidement les échéances électorales qui arrivent en France mais aussi dans d'autres Etats membres (les élections législatives au Portugal de dimanche dernier ; les élections législatives en Allemagne pour la fin d'année) que 2 Français sur 3 estiment que l'Europe fait partie des choix importants de cette campagne et la question des services publics qui est souvent présentée comme une question franco-française mais qui dépasse aussi le cadre de la France est une question importante.

          Je pense qu'avec Stéphane, on verra déjà ce qu'est un service public étant donné qu'il y a souvent une confusion entre la notion de service public, la fonction publique, les entreprises publiques : le fait qu'il puisse y avoir des services publics qui soient assurés par des entreprises du secteur concurrentiel, des services publics sous monopole d'entreprises dont l'Etat est le principal voire le seul actionnaire. Bien évidemment, la question des services publics pose aussi la question de la régulation des services publics. Qui doit réguler ? Quelle doit être l'autorité de régulation ? Quels sont aussi les cahiers des charges ? La question de savoir quelles sont les définitions qui existent au niveau européen notamment autour du concept de Service d'Intérêt Economique Général qui existe depuis de nombreuses années et dont l'accès est garanti par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Je pense que ce soir, nous parlerons aussi au niveau national des atouts, des faiblesses aussi des services publics français. Comment ils existent dans le contexte européen notamment en ce qui concerne EDF-GDF qui aujourd'hui en France a le monopole de l'approvisionnement mais qui participe à la concurrence dans les pays d'Europe centrale et orientale avec pour EDF-GDF la question délicate du nucléaire et de savoir si avec une ouverture hypothétique à la concurrence voire de son capital, le nucléaire peut entrer dans le secteur concurrentiel ou si l'Etat doit continuer non seulement de réguler mais aussi d'avoir autorité en tant qu'actionnaire principal de cette entreprise.

          Pour nous parler des services publics, nous avons invité l'un de nos membres : Stéphane RODRIGUES, Maître de conférence à Paris et Secrétaire général de l'AFEUR - l'un des associations nationales membres du Mouvement Européen - présidée par Robert TOULEMON. Stéphane nous parlera pendant 30 à 45 minutes des services publics au sens large du terme, leur(s) définition(s) au niveau européen. Nous laisserons après une place suffisamment large à la discussion, au débat autour de ce thème, voire peut-être autour de l'Europe de façon plus large.

          Je ferai deux conclusions : l'une anecdotique et l'autre plus importante. La conclusion la plus importante est que ce débat se situe à un peu moins d'un mois après le lancement de la Convention présidée par Valéry GISCARD d'ESTAING sur l'avenir de l'Union européenne et il est clair que la notion de service public, de la régulation feront partie des thèmes qui seront débattus en tout cas au niveau du Mouvement Européen-France et des groupes de travail qui se sont créés et chaque fédération départementale sera amenée à élaborer une contribution. C'est donc aussi l'occasion de clarifier les choses au niveau de la Seine-et-Marne. La conclusion anecdotique - pour faire référence à un service public - est de vous rappeler de ne pas oublier avant minuit de déposer votre déclaration de revenus auprès d'un service public!!! Je souhaitais terminer mon propos avec une note d'humour.

Stéphane RODRIGUES :
          Merci Monsieur le Président. C'est pour cela que les derniers qui sont en train de le faire ne sont pas encore présents ici ! Ils nous rejoindront dès qu'ils auront terminé leur devoir.

          C'est une bonne transition puisque cela va permettre peut-être de commencer en introduction sur l'idée même de la notion de service public qui nous réunit ce soir.

          Lorsque l'on aborde le terme de service public et celui de l'Europe, il faut bien voir que la question de la définition se pose car le Traité de Rome - Laurent vient de rappeler qu'on fêtait les 45 ans de sa signature aujourd'hui - ne concerne pas tous les services publics. Le Traité de Rome - je ne vais rien vous apprendre - a une vocation principalement économique et c'est à telle enseigne que la notion qui a été retenue par le Traité n'est pas la notion en tant que telle de service public que nous autres Français connaissons bien dans notre propre droit ou d'ailleurs dans d'autres droits nationaux mais c'est celle de services d'intérêt économique général pour bien montrer que ce que le traité peut appréhender, ce que le droit communautaire peut appréhender ce n'est pas tous les services publics mais ceux qui présentent une vocation, une dimension économique. C'est très important parce que cela va permettre de cerner et parfois d'évacuer certains faux débats. On entend parfois comme faux débat que l'Europe va s'occuper des systèmes d'éducation nationale, va s'occuper de gérer les forces de police, va s'occuper éventuellement d'organiser la justice... Ce n'est pas vrai en tant que tel lorsqu'il s'agit d'appliquer les règles du traité de Rome à ces services publics. Cela ne veut pas dire par ailleurs qu'un jour l'évolution de la construction européenne ne s'intéressera pas à ces services publics administratifs ou sociaux pour la santé. Mais dans ce cas là, si c'est le cas, ce sera après un débat et une décision de modifier le Traité car il faudra alors modifier le Traité pour que ces services publics puissent éventuellement relever de la compétence communautaire. On le voit, par exemple, dans le débat sur l'espace européen de justice qui un jour ou l'autre effectivement amènera certainement à réfléchir à des organisations européennes de service de la justice.

          Revenons au cœur du débat, pour le moment, c'est-à-dire l'application du droit européen : uniquement aux services publics présentant une vocation économique.

          Qu'est ce que cela recouvre ? Cela recouvre chez nous en France, c'est assez simple, les services publics à vocation industrielle et commerciale. Pour un juriste ou un économiste français, c'est très clairement identifié comme étant ce que les économistes appellent des services publics en réseau(x) ou les services publics relevant de monopole naturel parce que basés sur l'infrastructure type télécommunications, énergie (gaz, électricité) ou encore services postaux et bien sûr les transports. Il y a un réseau sur lequel un service est rendu pour y accéder et pour également éventuellement transporter des personnes ou fournir de l'électricité, fournir un bien essentiel. C'est un peu les deux idées qui structurent le service public économique au sens du droit communautaire : il y a un bien essentiel à fournir, à donner au citoyen, au consommateur, à l'usager, au client, il y a plusieurs termes possibles et il y a une infrastructure correspondante.

          Le problème est que dans l'évolution de la construction européenne, le droit communautaire ne s'est pas franchement intéressé tout de suite à ces services qu'on appelle ici services publics industriels et commerciaux parce que tout simplement le droit européen avait, je vais être un peu trivial, "d'autres chats à fouetter" à l'origine. A l'origine, il fallait créer une union douanière ; il fallait faire circuler les marchandises ensuite progressivement un peu les personnes, les capitaux, les services. Mais comme vous le savez, ce qui a très bien marché à l'origine, c'est l'union douanière, c'est la libre circulation des marchandises. Les frontières douanières ont très vite disparues dès 1968. Ce qui a en revanche bien moins fonctionné, cela présente encore parfois des couacs, c'est la libre prestation des services, c'est le droit d'établissement des sociétés dans tous les pays de la Communauté et bien évidemment la libre circulation des personnes qui parfois ne marche pas très bien. Toujours est-il qu'il a fallu attendre la relance du débat européen avec le marché unique, la fameuse antienne du marché unique et du marché intérieur de 1986 à 1992 qui est d'ailleurs concomitante avec la présidence de Jacques DELORS qui a été un des grands relanceurs du débat européen. Et c'est à ce moment qu'on s'est aperçu, quand il a fallu achever - c'était le terme de la Commission européenne - le marché intérieur qu'il y avait encore des services un peu particuliers sur lesquels on n'avait pas encore véritablement réfléchi à une application des règles du traité et notamment des règles de concurrence. Ce ne sont pas des poches de résistance, ce n'est pas Astérix et les Gaulois. On s'est aperçu tout naturellement qu'on ne s'était pas totalement intéressé à ces services publics qui pour la France correspondaient et qui correspondent toujours à une structure très particulière. Au niveau de la Commission, il y a eu toute une évolution de sa part car au début, elle voyait les services publics de l'électricité, du gaz, reconnaissons le, ou des postes un peu comme n'importe quel autre service, n'importe quelle autre marchandise. Ceci a été à mon sens une erreur d'appréciation à l'origine. Je dis bien à l'origine parce qu'il ne s'agit pas ici de dire que l'Europe - vous verrez que je serai un peu provocateur - écrase les services publics. Je suis plutôt partisan de dire que l'Europe est aujourd'hui une opportunité pour les services publics mais j'y reviendrai et j'essayerai de structurer mon raisonnement pour justifier cette affirmation. Mais il est vrai qu'il y a eu au début une incompréhension. Il y a même eu une sorte de clash où la Commission européenne s'est dit que l'on allait appliquer ce que l'on avait fait pour les services des avocats, pour les médecins, pour les artisans ; nous allons faire la même chose pour l'électricité, le gaz, les postes... Hors en France, par exemple, cela correspond plus qu'à une simple conception juridique. Le service public c'est une tradition sociale ; c'est une tradition économique avec des concepts économiques, des théories économiques qui s'y appliquent ; c'est également une conception politique en définitive. Ce que l'on veut faire des services publics c'est ce que l'Etat et ses citoyens veulent en faire. Et là, c'est vrai que la Commission n'avait peut être pas perçu en tant que tel la référence socio-politique, socio-économique que pouvait revêtir le concept de service public.

          Alors c'est vrai, cette fois ci c'est plutôt pour disculper un peu les instances communautaires, on peut dire que la France est isolée dans la construction du modèle de service public. Si on fait un panorama comparé dans les douze et aujourd'hui quinze Etats de la Communauté européenne, on peut, en regardant les études qui ont été faites, distinguer trois grandes catégories de droits nationaux vis à vis du service public :
- vous avez une première catégorie de pays qui ne connaissent pas la notion de service public comme on le connaît en France, avec une structure, un régime juridique spécifique, un régime social (notamment du personnel) spécifique - je pense qu'on en reparlera. Un exemple : la Grande-Bretagne ne donne pas dans son droit administratif une place spécifique aux services publics ; il n'y a pas de juge spécifique pour les services publics, il n'y a pas de régime de personnel spécifique... Ce sont les droits anglo-saxons pour faire court.
- il y a une deuxième catégorie d'Etats qui connaissent un peu la notion de service public mais qui estiment que certes il y a un régime de service public mais il ne faut pas trop lui reconnaître de spécificité(s) et donc on y applique les lois du marché, on lui applique le même juge (ce sera toujours le juge judiciaire qui aura à connaître d'éventuels litiges avec ces services publics. C'est la mouvance scandinave, c'est la mouvance un germanique ou germaniste de cette deuxième catégorie de pays et puis les pays latins qui se sont un peu inspirés de la notion française - les Italiens qui connaissent la notion de service public "servizo publico" ; au Portugal, en Espagne, on trouve aussi les mêmes concepts - mais ils n'ont pas voulu en tirer les mêmes conséquences ; ils n'ont pas été jusqu'au bout du raisonnement comme en France en donnant un régime spécifique.
- et puis vous avez une troisième catégorie de pays, un seul pays : c'est la France. Il faut le reconnaître sur le plan du droit, la France a été jusqu'au bout. Il y a une notion spécifique ; il y a un droit spécifique des services publics ; il y a des régimes de personnel spécifiques et il y a même un juge spécifique. Les litiges de services publics en général relèveront d'un juge spécifique : le juge administratif ; avec des exceptions notamment dans les relations d'usagers (clients) où le juge judiciaire retrouvera un peu son mot au dire mais globalement lorsqu'il y a un problème d'organisation de service public, si vous êtes confrontés à un problème d'organisation de service public, vous irez voir un juge administratif, un juge spécifique que ne connaissent pas forcément les autres pays de la Communauté.

          Il est normal que la Commission, face à une si grande diversité, pour peu que la Direction Générale de la concurrence comme c'était le cas n'était pas beaucoup dominée et n'est toujours pas dominée par des Français (à l'époque c'était les Allemands qui dominaient cette Direction Générale, des Anglais aussi), a appliqué ce que les membres de cette Direction Générale connaissaient dans leur Etat d'origine. C'est la raison du clash du début, il faut le reconnaître. Mais il y a eu une évolution incroyable de la part du Commissaire belge Karel van MIERT qui était en fonction à l'époque lorsqu'il y a eu de grandes manifestations sur le service public de 1995 en France. Je me souviens, je travaillais encore pour une grande et vénérable institution dont je retrouve ici un ancien collègue (EDF-GDF ndlr), lorsque à l'époque je travaillais à Bruxelles on voyait à la télévision les grandes marches (EDF-GDF avait notamment beaucoup mobilisé dans les rues...), les membres de la Direction Générale de la concurrence ont été déstabilisés. Et lors de la réunion du collège des Commissaires européens qui suivait ces manifestations, comme vous le savez les Commissaires se réunissent en général tous les mercredis pour l'équivalent de leur Conseil des Ministres, il y a eu une grande discussion en faisant référence aux manifestations à Paris et dans toute la France avec des milliers de personnes. On ne pensait pas qu'il y avait une si grande connotation sociale notamment. Il y a eu un déclic. Franchement, pour en avoir eu l'occasion d'en parler à l'époque avec le Commissaire van MIERT, lui-même a reconnu que cela l'avait un peu déstabilisé et il a compris qu'il y avait autre chose derrière et qu'il fallait faire attention. C'est à ce moment là qu'est apparue la notion de "Service d'Intérêt Général". Van MIERT, relayé bien évidemment par Jacques DELORS qui lui savait très bien ce que le service public pouvait bien vouloir dire en France, puis relayé par des anciens conseillers de DELORS notamment à la délégation prospective de la Commission, ont dit : "maintenant, il faut faire attention ; on ne peut pas toucher à un monument comme celui-ci ; il va falloir un effort d'explication". Et ainsi, la Commission a sorti une première grande communication en 1996 sur sa conception du Service d'Intérêt Général et l'Europe et il va falloir alors une démarche progressive. Il ne faut en la matière surtout plus aller trop rapidement, trop brutalement dans ce domaine là. Cela ne veut pas dire que la Commission a remis dans la poche son objectif d'ouverture à la concurrence, de libéralisation. Elle s'est dit : "attention, il va falloir l'accompagner de mesures liées notamment aux obligations de service public, aux contraintes de service public et il ne faut pas faire n'importe quoi". C'est pour vous donner un peu l'ambiance à Bruxelles voilà quatre ou cinq ans sur ces questions.

          J'aimerais défendre maintenant une position - sans entrer trop dans le détail ou la technique pour dire qu'aujourd'hui on peut finalement considérer cette confrontation qui n'en est plus une, qui est un face à face normal entre le droit communautaire et les services publics et pas seulement les services publics français, cette confrontation est riche d'opportunités pour notre propre régime de service public. Sans trop entrer dans la technique, je voudrais dire qu'il y a, pour résumer, grâce au droit communautaire un enrichissement de nos régimes de service public et je vais essayer de démontrer cet enrichissement à travers de deux idées fortes : d'abord un enrichissement sur le plan des institutions qui encadrent nos services publics et ensuite un enrichissement sur le plan des règles qui animent nos services publics ce que les juristes appellent un enrichissement institutionnel et un enrichissement matériel pour reprendre des termes techniques.

          Première idée : un enrichissement institutionnel.

          Aujourd'hui, grâce au droit communautaire, nous avons évité certaines confusions qui existaient dans nos institutions de service public notamment en France. Un exemple très concret : il y a dix, quinze ans, un certain nombre de nos services publics avaient tendance à faire la confusion qu'évoquait Laurent tout à l'heure dans son introduction, un service public, c'est forcément une entreprise publique, c'est forcément entre les mains de l'Etat. Aujourd'hui, cette équation ne peut plus être bonne. Un service public peut tout à fait être confié à une entreprise privée du moment qu'il y a une régulation, qu'il existe des normes pour encadrer et qu'in fine, l'Etat ait son mot à dire en imposant des règles strictes de respect des contraintes de service public notamment. Et cette confusion existait également sur le plan institutionnel lorsque dans un même service public, on retrouvait parfois à la fois la casquette du juge en quelque sorte et la casquette des parties lors d'un éventuel litige. En d'autres termes, sans utiliser des mots trop savants, il y avait confusion entre celui qui édictait les règles et celui qui "jouait" avec ces règles. Il y avait donc confusion entre l'arbitre du match et le footballeur sur le terrain pour faire référence au sport.

          Exemple : celui des télécommunications. Il y a encore quinze ans, les télécommunications étaient une Direction Générale du Ministère, la fameuse Direction Générale des PTT, qui évidemment donnait l'agrément pour les lignes téléphoniques mais également les abonnements pour les appareils téléphoniques. On a commencé à faire en sorte qu'il y ait une vraie libre circulation des marchandises car le téléphone que vous avez est une marchandise comme une autre. Donc, il fallait permettre par exemple à Siemens ou à tout autre producteur ou fournisseur de terminal téléphonique de pouvoir librement faire en sorte que les téléphones Siemens circulent dans toute l'Europe y compris en France. Or il y avait ce problème avec la Direction Générale des PTT qui à la fois donnait l'agrément pour autoriser Siemens à vendre ses terminaux en France mais qui était aussi fournisseur des téléphones de l'époque, les GLPTT. Il y avait bien évidement un risque de confusion puisqu'il était naturel que celui qui donnait l'agrément et qui aussi produisait ses propres téléphones pouvait ne pas être enclin à trop ouvrir son marché en accordant des agréments.

          Il a été décidé au niveau communautaire de prendre une première directive en 1988 - nous voyons bien au niveau historique que nous sommes au basculement du marché unique du Livre vert sur le marché intérieur de 1986 - qui indique qu'il faut qu'il existe la concurrence et donc pour ce faire, il faut absolument qu'il y ait séparation entre celui qui joue et celui qui établit les règles pour faire simple. En termes plus juridiques, une séparation entre les fonctions d'opérateur et celles de celui qui réglemente, qui régule : le régulateur. D'où la création de France Télécom. On oublie souvent que France Télécom est née d'une exigence européenne. C'est-à-dire que l'Etat a été obligé de séparer la fonction d'opérateur sur le marché des terminaux téléphoniques en confiant ceci à France Télécom qui reste une entreprise publique évidemment ou en tout cas pour l'heure mais qu'il l'a séparée complètement de la Direction Générale des PTT, qui s'est transformée après, laquelle continue d'accorder les agréments.

          Ceci était pour le produit "téléphone ". Mais il restait le service : le fait de faire transférer la voix sur une ligne téléphonique. Là aussi on a soulevé le même problème : si celui qui détermine les règles - l'Etat - est aussi le principal actionnaire de France Télécom, l'Etat va peut-être avoir tendance dans l'édiction des règles à donner un certain "privilège" ou un peu plus d'avantages aux entreprises qu'il contrôle, aux entreprises publiques. D'où la deuxième idée de la Commission. Entre parenthèse ce n'est pas une idée de la Commission en tant que telle pour être exact mais une idée du juge communautaire (je ne vous apprendrais pas au Mouvement Européen que le juge communautaire est certainement celui qui fait le plus avancer les affaires européennes dans la pratique et qui parfois donne l'impulsion reprise ensuite par la Commission et par le Conseil des Ministres). Il se trouve que la France a contesté la directive de 1988 sur la libéralisation des terminaux en disant qu'elle allait trop loin, qu'il fallait laisser aux Etats une certaine marge de manœuvre, que l'on avait atteint une limite. Le juge communautaire a répondu très clairement en 1991 en insistant sur l'égalité des chances. Donc, le juge indique qu'il demande que l'arbitre ne soit pas également l'un des joueurs sur le terrain. D'où la création, proposée par la Commission, d'autorités indépendantes de l'Etat lui-même. C'est ainsi qu'est née en France l'Autorité de Régulation des Télécommunications en 1997, c'est-à-dire la création d'une instance désormais indépendante du ministère ; certes, le Président de cette instance continue d'être nommé par le Ministre, mais le mandat étant irrévocable d'une part et non renouvelable d'autre part, on estime que c'est suffisant pour garantir l'indépendance du Président de l'Autorité de Régulation. Pour connaître un peu le fonctionnement de l'ART, je peux vous dire que la première des choses qu'à voulu faire le Président c'est justement de se démarquer du Ministre et de prendre des décisions très fermes de ne pas suivre forcément l'avis du Ministre sur certains points...

          Donc, l'enrichissement institutionnel passe par la création de régulateurs indépendants des Ministres qui vont désormais réglementer le secteur correspondant à l'ouverture à la concurrence d'un service public. Et ce schéma qui a été adopté pour les télécommunications a été repris pour la majorité si ce n'est l'essentiel des autres grands services publics de réseaux que j'évoquais tout à l'heure. Nous avons aujourd'hui une Commission de Régulation de l'Electricité (la CRE) qui est calquée sur le modèle de l'ART. Sans entrer dans les détails, elle a un peu moins de pouvoirs que l'ART parce que le Gouvernement ayant été tellement échaudé par la manière dont l'ART tape sur les doigts du Ministre ou sur France Télécom. Aujourd'hui devrait également être créé mais nous avons pris beaucoup de retard en France l'équivalent en matière de régulation du gaz ; l'idée étant de rattacher la régulation du gaz à l'actuelle CRE pour que la CRE devienne la CREG, c'est ce qui est actuellement envisagé. Mais on a pris beaucoup de retard en totale violation du droit communautaire dans la transposition de la directive gaz ; ce qui nous vaut actuellement une procédure devant la Cour de Justice engagée par la Commission il y a quelques mois. La régulation devrait exister également en matière postale. On devrait avoir une autorité de régulation postale. Là aussi la France frêne en violation également avec le contenu de la directive postale. Ce qu'il faut retenir, c'est qu'il y a eu un renouvellement de nos institutions. Grâce au droit communautaire, on peut aujourd'hui dire qu'il y a des "juges" plus indépendants pour réguler des secteurs fondamentaux de la vie publique et de la vie économique que sont nos services publics. Est-ce un bien ou est-ce un mal ? Vous aurez compris que je suis plutôt partisan d'une manière plus claire et transparente de gérer la chose publique.

          Deuxième idée : il y a également un enrichissement matériel et pas seulement institutionnel.

          Je n'entrerai pas dans le détail mais je vais vous donner trois exemples concrets.
Enrichissement tout d'abord en matière de concurrence : contrairement à ce que l'on pourrait croire, il n'y a pas d'application totale des règles de concurrence. Lorsque l'on dit qu'il faut faire attention car c'est la concurrence tout azimut, c'est faux. Le point commun de toutes les directives de libéralisation des télécoms, de la poste, de l'électricité, du gaz ou du transport est une libéralisation progressive et aménagée. Toutes les règles de concurrence ne s'appliquent pas en bloc à ces services. Il existe dans le Traité un article qui existe depuis 45 ans - l'Article 90 du Traité aujourd'hui Article 86 - qui dit que si l'entreprise qui est chargée d'un service public démontre à la Commission qu'il lui est impossible d'appliquer toutes les règles de concurrence en tant que telles, parce que dans ce cas sa mission de service public serait remise en cause, la Commission est obligée d'accepter un aménagement de ses règles de concurrence. C'est très important pour mon deuxième exemple qui est celui du financement. Car la clé essentielle de l'avenir de nos services publics aujourd'hui, (certains diront que c'est le régime du personnel, ce sont les statuts... on sait que ceci peut s'adapter ; la preuve à France Télécom car qui aurait cru il y a quatre, cinq ou six ans que la réforme de France Télécom serait passée en douceur ! Tout le monde prédisait que le personnel de France Télécom allait créer des grèves monstrueuses, que l'on aurait des coupures incroyables...) Et ce sur quoi nous devons être fermes, c'est le financement pérenne des services publics, sur la durée. Car c'est bien de dire que l'on n'applique pas toutes les règles de concurrence mais si vous ne donnez pas les moyens financiers aux services publics pour qu'ils continuent d'exister, le risque est très simple : c'est que sur les niches intéressantes, vous avez toute la concurrence qui se concentre ( par exemple en ce qui concerne la Poste, le risque est qu'évidemment toutes les entreprises de courrier express s'intéressent au courrier d'entreprise le plus rentable et puis le courrier de la petite Géraldine pour sa grand-mère à Guéret ne les intéresse pas, on laisse ceci à la Poste publique qui continuera de s'enfoncer dans les déficits). Là il y a un vrai risque. Ce risque est qu'il n'y ait plus de financement durable du service public. Là, les règles du Traité doivent être utilisées totalement. Le juge communautaire l'a très bien compris dans un arrêt fondamental, l'arrêt "Corbeau" en 1993.

          Monsieur Paul Corbeau - ce n'est pas une fable de La Fontaine ! - est un petit entrepreneur belge de la région de Liège qui s'était dit qu'il se lancerait bien dans le business du courrier d'entreprise. Donc il souhaite proposer aux entreprises de la région de Liège d'acheminer du courrier très rapidement à savoir qu'il s'engage à prendre le courrier dans l'après-midi et à le livrer dans la région de Liège le lendemain avant midi. A l'époque on commençait à parler de DHL, d'UPS mais ces entreprises n'étaient pas encore très développées surtout sur les petites niches régionales. Ce qui était développé était le courrier international express. Conséquences : grand remue ménage à la Régie Royale des Postes belges qui se demande ce qu'est cette initiative car la Régie a un décret royal du 19ème siècle qui lui donne un monopole sur le courrier. Monsieur Corbeau est en train de démonter le monopole du courrier. La Régie lui fait un procès devant le tribunal de commerce avec plainte au pénal. En Belgique, quand il y a violation du monopole, il y a sanction pénale. Le Procureur du Roi est un peu embêté car l'avocat de Monsieur Corbeau invoque le droit communautaire. Il décide de ne pas aller plus loin car il existe une procédure dans le Traité appelée "question préjudicielle" qui permet à un juge national lorsqu'il n'est pas franchement à l'aise avec le droit communautaire de poser une question à la Cour de Justice des Communautés Européennes. Dans ce cas on suspend la procédure et on attend la réponse de la Cour de justice qui va interpréter le droit communautaire. La Cour est donc amenée à répondre à cette question. Elle répond d'une manière très équilibrée. Elle dit qu'il est vrai que le principe doit être normalement la concurrence, la libre circulation des services et la poste est un service comme un autre et on devrait pouvoir imaginer une libre circulation de ces services postaux. Mais dans notre cas de figure, nous avons à faire à un Service d'intérêt économique général et c'est la première fois que la Cour donne une définition. Enfin il a fallu attendre 1993 pour savoir ce qu'était un Service d'intérêt économique général dans le Traité. La Cour indique que les SIEG sont trois éléments réunis : c'est un service qui est rendu à tout le monde sur un territoire donné ; c'est un service qui est rendu en continuité c'est-à-dire sans interruption ; c'est un service qui est rendu à un prix abordable. Ce sont les trois éléments que la Cour va donner. En bien, tout de suite cela à fait "tilt" aux juristes français puisque dans notre "vieille" jurisprudence du Conseil d'Etat français qui a deux siècles maintenant, nous avons ce que l'on appelle les grands principes du Service public : c'est-à-dire l'égalité de traitement - tout le monde doit pouvoir bénéficier du Service public - ; la continuité - il ne faut surtout pas que le Service public soit interrompu et s'il l'est, il faut qu'il le soit vraiment de manière exceptionnelle ce qui pose un problème d'ailleurs avec le droit de grève - ; et nouveauté, s'il faut que le Service soit adaptable aux besoins de l'usager, la Cour de justice va un peu plus loin puisqu'elle dit qu'il faudrait que le prix soit abordable. La Cour ne va pas jusqu'à dire qu'il faut la gratuité, elle dit qu'il faut un prix abordable, raisonnable. Vous avez à partir de ces trois éléments toute la définition aujourd'hui des Services publics européens. Que ce soit dans les télécoms, avec le service que l'on appelle universel des télécommunications et des postes ou dans le Service public d'électricité ou du gaz, c'est trois idées réapparaissent en tant que telles dans nos textes aujourd'hui. A telle enseigne que cela a obligé certains Etats soit à introduire cette notion dans leur législation - il y a donc bien enrichissement des Services publics parce que un pays comme la Grande-Bretagne qui ne connaissait pas ces principes en tant que tels ou qui laissait au Juge de temps en temps le contentieux et d'appliquer en juste équité les problèmes d'accessibilité à un service, et bien aujourd'hui il a été obligé puisque c'est à un niveau européen, de l'intégrer dans ces textes et je vais être très provocateur sans l'être véritablement, mais c'est juste un constat, je suis désolé pour le responsable d'EDF ici présent, cela a même obligé la France, en matière d'électricité, de mettre noir sur blanc ce qu'est le Service public d'électricité. Vous allez tout de suite me dire ceci: depuis 1946 avec l'EDF, on a un Service public d'électricité. Oui, depuis 1946, nous avons un établissement public industriel et commercial qui s'appelle EDF mais jamais dans la loi de 1946, vous n'aviez une définition du Service public d'électricité. Il a fallu attendre une loi de février 2000 qui intègre la directive européenne de 1996 pour enfin obliger le législateur français à définir ce que l'on entend par Service public d'électricité. Alors, vous allez me dire que dans la pratique cela ne change pas grand chose. C'est vrai. Dans la pratique, le juge français et les Pouvoirs publics imposaient à EDF et EDF avait déjà intégré dans son cahier des charges des obligations de Service public. C'est-à-dire que l'on ne coupe pas comme çà l'électricité du jour au lendemain si on n'a pas payé sa facture, on fait en sorte que tout le monde sur le territoire, sauf exception, a accès à l'électricité. Donc on avait déjà intégré. Mais, j'ai envie de dire, et c'est là où je vais être un peu provocateur, que c'était au bon vouloir du gouvernement et d'EDF aussi finalement. Aujourd'hui, grâce à la directive européenne, il a fallu écrire ce que l'on entendait par Service public d'électricité - la continuité, la desserte - et même de prévoir des dispositions spécifiques pour les personnes dites vulnérables - chômeurs, SDF voulant réintégrer un logement et voulant un raccordement... Il y a désormais, parce que la directive européenne l'a imposé, des dispositions spécifiques dans la loi française pour ces catégories d'usagers. Dons il y a bien un enrichissement matériel.
Enfin, pour revenir à l'affaire Corbeau, on a dans l'arrêt du 19 mai 1993 une première définition de ces trois éléments. C'est primordial.
          Deuxième apport de cet arrêt : une fois définie ce qu'est un Service public européen, comment on fait en sorte que la concurrence ne vienne pas trop démolir le Service public. Et bien, on pose une règle d'équilibre. La Cour dit qu'il faut faire en sorte que les règles de concurrence ne remettent pas en cause les conditions d'équilibre économique du service de base. C'est exactement la phrase utilisée par le juge. Elle va donc vérifier s'il n'y a pas un risque sur un tel Service public que les concurrents, si on ouvre trop à la concurrence, se servent uniquement sur les marchés les plus juteux. Et dans notre exemple de Monsieur Corbeau, évidemment ce qu'il faisait c'est qu'il s'intéressait aux services d'entreprise - aujourd'hui 70% du chiffre d'affaire de la Poste française n'est pas avec vous qu'elle le fait c'est avec le service d'entreprise. Le risque dans ce cas là c'est que les concurrents ne s'intéressent qu'aux services les plus juteux et puis qu'on laisse le reste aux bonnes vieilles entreprises publiques lorsqu'elles existent encore qui auraient encore le service de base à continuer à prendre en charge. Dans notre cas de figure Monsieur Corbeau, lui, entrait en revanche dans une exception puisque la Cour dit que cela vaut pour le service de base, c'est-à-dire qui répond aux trois éléments que l'on a vu tout à l'heure l'égalité, la continuité et le prix abordable. En revanche pour les services spécifiques qui ont une valeur ajoutée par rapport aux services de base, il est normal qu'il y ait la concurrence. Et là, Monsieur Corbeau proposait un service spécifique puisqu'il proposait une rapidité d'action en moins de 24 heures dans une zone très délimitée. Mais, s'il est prouvé qu'il y a trop de développement de la concurrence qui alors risquerait de remettre en cause le service de base, c'est-à-dire le courrier habituel, il faudrait dans ce cas là aménager les règles de concurrence voire même, autoriser le monopole. La Cour dit clairement qu'un monopole peut être justifié s'il y a un risque de remise en cause de l'équilibre économique du service public. C'est fondamental.

          Certains ont prétendu qu'il fallait oublier cet arrêt mais au contraire, un an après, en avril 1994, une nouvelle affaire concernant le service public d'électricité, avec un problème de concession d'électricité aux Pays-Bas dans une petite commune - Almelo - a permis à la Cour de confirmer sa position et de compléter son arrêt en disant que pour apprécier cet équilibre, on ne peut pas se contenter uniquement de l'équilibre financier mais aussi des contraintes qui pèsent sur l'entreprise de service public, en l'occurrence, dans cet arrêt, il s'agissait essentiellement de contraintes environnementales. La protection de l'environnement peut être considérée comme une obligation de service public. Ainsi, la Cour ne prend pas seulement en compte la charge financière imputable au service public mais faire l'équilibre mais la Cour vérifie s'il n'y a pas d'autres contraintes qui pèsent sur cette entreprise. Vous pensez bien que EDF ou GDF ont tout de suite profité de cette brèche pour indiquer qu'elles avaient aussi des contraintes environnementales très fortes qui génèrent un certain coût et donc il faut pouvoir préserver un minimum de monopole. Ce qui a été confirmé pour EDF-GDF dans un arrêt de la Cour de Justice en 1997 car la Commission voulait remettre en question les droits exclusifs fournis à EDF et à GDF et la Cour de Justice a confirmé les arrêts Corbeau et Almelo rappelant qu'il fallait faire cet équilibre pour permettre au service public de continuer à exister finalement.

          Voilà donc quelques exemples pour vous montrer qu'il y a bien un enrichissement dans les règles.

          Dernier exemple : celui de la Poste. On a rajouté dans la directive postale de 1997 un élément absent dans notre service public postal jusqu'à présent : l'idée de qualité. On l'oublie souvent mais désormais les critères de qualité sont définis au niveau européen. Il existe une annexe à la directive de 1997 qui fixe des contraintes de qualité pour le service courrier transfrontière, celui qui passe au moins une frontière intérieure à la Communauté. Quel est le meilleur critère de qualité pour le service public postal ? C'est évidemment le délai d'acheminement. Ainsi vous avez une annexe très intéressante indiquant qu'il faut que 80% du courrier dans l'UE soit distribué au moins à J+3 et 20% à J+5. C'est défini au niveau européen. Vous allez me dire que pour la Poste française cela n'a pas beaucoup changé les choses puisqu'il faut reconnaître la qualité du service public postal français était déjà largement dans la tranche des 80%. Je peux vous affirmer qu'il s'agissait d'une mini révolution pour la Poste italienne ou la Poste grecque.

          Pour ouvrir le débat, le thème des services publics est devenu aujourd'hui un thème d'actualité où le débat semble être plus serein. De temps en temps, vous avez des "pics". Il y a eu un pic il n'y a pas longtemps en se demandant s'il fallait y aller plus loin en matière d'électricité ou de gaz, en matière d'énergie. Faut-il aller plus loin, parce que, comme je vous l'ai dit, le maître mot actuellement de la libéralisation de ce secteur : c'est la progressivité. On n'a pas été vraiment très loin. Sans entrer dans les détails, actuellement, un tiers du marché de l'électricité est ouvert en France ce qui correspond d'ailleurs, on oublie de le dire parfois chez nos voisins Allemands notamment, au seuil requis pas la directive européenne. La directive dit que dans un premier temps, on doit ouvrir à peu près de 30 à 33% du marché. La France aurait peut-être pu faire plus mais elle a rappelé qu'elle appliquait juste ce que la directive européenne demande de faire. Vous avez d'autres pays, par exemple la Grande-Bretagne ou l'Allemagne, qui disent que c'est scandaleux en indiquant qu'ils ont ouvert le marché à 100%, ils auraient pu se contenter de la directive européenne mais ils sont allés au delà. Certes, mais comme l'ont défendu nos pouvoirs publics, regardons la réalité. C'est bien beau de mettre dans une loi que l'on ouvre à 100% mais quand on regarde vraiment la réalité, le marché reste extrêmement rigide, très peu ouvert à la concurrence et on retrouve des effets de monopole qui ne sont certes pas aussi visibles que notre monopole français car la situation d'EDF est très visible, il s'agit d'une seule entreprise présente sur l'ensemble du territoire. En Allemagne, la situation est disons-le plus vicieuse. Les monopoles se font pratiquement en démarcation régionale, d'ailleurs les vieux contrats de répartition d'approvisionnement s'appelaient bien "Vertragdemarkation", et ainsi chaque grande société correspond bien à un Land et on n'imagine pas qu'une société appartenant à un Land vienne titiller celle d'un autre Land. Il y a donc un consensus pour ne pas aller sur le marché du voisin. Si c'est ceci la vraie concurrence à 100%, on peut se poser vraiment des questions ! Du côté de la Grande-Bretagne, quand on nous dit que ce pays est ouvert à 100% comme cela le consommateur s'y retrouve, quand on commence à faire des études, on s'aperçoit qu'effectivement le premier effet de la concurrence, c'est plutôt une baisse des prix, mais qu'actuellement depuis deux, trois années, les prix stagnent, voire ont tendance à remonter. La position française qui cette fois ci me parait être tout à fait équilibrée est de dire que l'on n'a rien en tant que tel contre la concurrence, en rappelant soit dit en passant qu'une entreprise comme EDF n'a pas franchement à craindre de la concurrence - quand on a été le numéro un mondial de la production de l'électricité, je dis bien était, puisque pour être tout à fait précis, le fait qu'en Russie on ait démantelé a fait qu'en terme de kW/heure produit les Russes sont clairement passé devant mais on reste quand même avec EDF un gros producteur et en tout cas un des plus grands experts du régime électrique au niveau de sa distribution et de son transport. C'est d'ailleurs pour cette raison que c'est redevenu un sujet de polémique parce que EDF qui a bien compris qu'il fallait de toute manière aller vers la concurrence internationale, pas seulement, il faut le reconnaître pour des velléités d'expansionnisme international, mais tout simplement parce que son propre marché stagne, avec 29 millions d'usagers, on ne peut pas en demander plus, il faut donc forcément que l'entreprise cherche à aller vers l'international. Ce qui n'était pas évident dans l'entreprise. Je me souviens des débats en 1991 et 1992, à l'époque où le Président DELAPORTE a dit qu'il fallait aller vers l'international, les débats au sein du Conseil d'Administration étaient houleux. Vous aviez ceux qui disaient que EDF, c'est électricité de France, "point barre" ; on n'a pas à aller ailleurs qu'en France. Vous aviez ceux qui disaient avec une attitude plus visionnaire qu'il fallait faire attention, le marché national sera vite trop étroit pour EDF, il ne faut pas avoir peur de son expertise, il faut donc aller vers l'international. C'est évidemment plutôt la bonne solution. Certains ont commencé à dire que EDF s'installe en Allemagne, a racheté une entreprise du Bade-Wurtemberg, s'installe en Espagne en voulant racheter le troisième réseau d'électricité "Hydrocentrabrico", commence à vouloir s'installer en Italie. Il faut être clair là dessus. Ce n'est pas dû au fait que l'on ouvre à la concurrence en tant que tel, c'est tout simplement que dans ces pays on a décidé de tout privatiser. Ils ne comprennent plus très bien en disant qu'ils privatisent leur(s) entreprise(s) d'électricité par exemple en Italie et c'est finalement une entreprise publique française qui va prendre des participations. Il s'est posé le problème principalement non pas de réciprocité mais un problème de politique interne. Je suis désolé parce que le droit communautaire donne raison à EDF. Que l'on soit une entreprise publique ou privée, on peut bénéficier de l'ouverture du marché. Tout ceci s'est mélangé, campagne électorale oblige notamment, la pression a monté à Barcelone où il était prévu de longue date, c'est dans la directive même de 1996 que l'on a dit qu'au bout de six ans, de faire un point pour savoir si on va plus loin. Il se trouve que c'est mal tombé puisque c'est arrivé au moment où il y a une campagne électorale en France, où il y a un nouveau gouvernement en Italie qui privatise, où il y a en Espagne une présidence espagnole qui également privatise dans son pays. Et lorsque la Commission est venue proposer de passer à une deuxième étape en allant plus loin, cette proposition a tout de suite créé des tensions. Résultat : tout le monde a regardé vers la France. Et finalement quand on lit les conclusions de Barcelone, je trouve qu'on s'en est plutôt bien débrouillés. Premièrement parce qu'on a donc un pas supplémentaire dans la concurrence à l'horizon 2004, tous les professionnels pourront choisir leur propre fournisseur d'électricité et on attendra un peu plus tard pour se poser la question de savoir si on l'élargit pour les particuliers. Pour tout le monde cela a été le point médiatique. Il y a autre chose. La France a obtenu que désormais on réfléchisse de manière générale sur les effets de la libéralisation car il est bien beau de dire, comme le fait souvent la Commission notamment, que c'est pour le consommateur que l'on agit ainsi car cela permettrait de baisser les prix. Mais attention, prouvez-moi que cela permettra de baisser les prix. Prouvez-moi que les obligations de service public seront toujours garanties. Quand vous laisser le marché prendre les choses en main, il est très difficile après revenir en arrière car certains disent que c'est le retour des méthodes soviétiques. Faisons en sorte que chaque étape d'ouverture à la concurrence soit accompagnée d'un bilan sur la libéralisation et surtout soit accompagnée de mesures générales de service public.

          La France a donc obtenu dans les conclusions de Barcelone que la Commission travaille sur l'idée de directive cadre sur les SIEG et présente d'ici l'année prochaine une proposition. La France a également obtenu, et c'est très important en matière de financement de service public, que désormais on réfléchisse à un règlement qui puisse valider les aides que les Etats donnent aux entreprises de service public qu'elles soient privées ou publiques, lorsque ces aides sont utiles pour financer les obligations de service public. Parce que nous avons là un autre problème et je terminerai par là, c'est qu'à force d'appliquer la concurrence, les Etats sont bloqués avec les règles relatives aux aides publiques, les aides publiques doivent respecter les règles de concurrence, et donc plus vous donnez des aides, plus évidemment la Commission vérifie si elles sont compatibles avec les Traités, et risque de les refuser. Grâce encore au juge communautaire, dans un problème qui concernait "Chrono post", là aussi, le juge communautaire a dit qu'il fallait faire attention car si l'aide se contente de compenser le surcoût de service public, la charge de service public, cette aide doit être autorisée. C'est très important parce que désormais, une subvention qui serait donnée comme c'est souvent le cas pour la Poste par exemple, si cette subvention respecte bien un contrat de service public, celle si ne sera pas déclarée illégale. Je n'entrerai pas dans les détails mais la Cour a même été plus loin, dans un arrêt du 22 novembre 2001 en affirmant que s'il est démontré que la subvention en question ne fait que couvrir le coût de service public, on ne pourra pas dire que c'est une aide ! Elle n'a donc pas besoin d'être autorisée puisque ce n'est pas une aide. Le pays n'a donc pas besoin de la notifier à la Commission pour autorisation. C'est révolutionnaire ! À titre personnel, je peux vous dire que cela ne tient pas juridiquement beaucoup la route. À mon avis, la Cour bizarrement ne respecte pas la logique du Traité qui est plutôt de dire qu'il y a bien une aide mais elle est justifiée parce qu'il y a un service public plutôt que de dire qu'il n'y a pas d'aide du tout parce qu'en on donne une subvention, on accorde une aide. Il y a donc là un débat. Pour la petite histoire dans une autre affaire, l'Avocat général vient de demander à la Cour d'abandonner très vite cette jurisprudence parce que cela risque de poser d'autres problèmes notamment parce que cela aurait pour conséquence qu'il n'y aurait plus de contrôle de la Commission ; la Commission préfère dire que l'aide est justifiée parce qu'il y a obligation de service public. Quoi que l'on en dise, le risque est que certains Etats en profitent pour donner plus que nécessaire.

Tout cela pour vous dire qu'avec cette idée de directive cadre, je trouve personnellement que l'Europe est plutôt une opportunité qu'un obstacle ou une contrainte pour le Service public. C'est l'idée que je voulais défendre ce soir et évidemment, j'espère qu'il y aura matière à débat.

Laurent BONSANG :
          Merci Stéphane. Nous sommes vraiment dans l'actualité avec les conclusions de Barcelone. Ce que l'on aurait pu dire il y a un mois et demi aurait été complètement différent de ce que l'on peut dire ce soir.

          J'ai noté un certain nombre de points à l'écoute de ton exposé sur la notion de qualité.

          Je prendrai deux exemples : l'un en Europe et l'autre aux Etats-Unis.
          - aux Etats-Unis, c'est affaire de l'électricité en Californie
          - en Europe, c'est l'état de délabrement du service ferroviaire britannique ; il s'agit dans ce cas plus de l'anarchie que de la liberté d'entreprendre, que de la liberté de concurrence.

          Je rappellerai aussi que la Commission européenne avait bien défini dans sa communication sur les services d'intérêt général de 1996 la notion du service. Ainsi pour elle la question de savoir à qui appartient l'entreprise - privée, publique - c'est une autre affaire.

Stéphane RODRIGUES :
          J'aurais pu le préciser : elle n'a pas le choix puisque c'est le Traité qui dans son article 295 dit que le Traité est neutre vis-à-vis du régime de propriété dans les Etats membres. La Commission n'a pas à dire qu'ici, il faut plutôt une entreprise publique et ici une entreprise privée. Elle n'a pas à se prononcer. Parfois, la Commission a tendance à oublier ce principe. Mais, ne vous inquiétez pas, le juge est là pour le rappeler et on a actuellement une affaire très importante dont le jugement doit être rendu dans les semaines à venir sur la question du fait que certains Etats disposent d'une action un peu spéciale dans certaines entreprises, ce que l'on appelle les actions spécifiques en France ou en Grande-Bretagne. En France par exemple, Elf Aquitaine qui est maintenant une grande entreprise privée mais il y a encore une action spécifique de l'Etat qui lui permet, au cas où un jour il y aurait des prédateurs boursiers qui remettraient éventuellement en cause les intérêts stratégiques que représente le groupe Elf-Total-Fina de pouvoir bénéficier d'une action un peu spécifique en bloquant notamment certaines décisions du Conseil d'Administration. C'est la même chose en Espagne ou en Italie. C'est d'ailleurs sur ce point qu'en Italie EDF a été bloquée pendant longtemps avec ce système de l'action spécifique. Et bien, l'Avocat général qui est la personne qui donne une opinion avant l'arrêt du Juge pour l'éclairer vient de dire que cette action spécifique est une forme de contrôle de l'Etat sur la propriété et puisque l'on de propriété de l'entreprise - c'est l'Article 295 - la Commission n'a rien à dire. Je ne sais pas si la Cour va suivre l'Avocat général car c'est une position assez révolutionnaire. Tout ceci pour dire qu'il y a actuellement un retour aux sources car il y a eu un peu d'excès du côté du tout concurrence et qu'il faudrait regarder les situations d'un peu plus près.

De la salle :
          J'ai trouvé votre exposé très intéressant. J'aurais une question.

          Ce qui m'inquiète un peu, vous avez parlé essentiellement de service public comme EDF-GDF ou Poste et télécommunication, c'est ce qui concerne l'éducation qui me paraît être un service essentiel ainsi que la santé ou la sécurité, je voudrais savoir si la Commission européenne a édicté des principes ?

Stéphane RODRIGUES :
          Je n'ai pas été assez clair dans mon introduction. Le droit européen, c'est-à-dire le Traité de Rome dont on célèbre les 45 ans aujourd'hui, ne peut pas s'intéresser à ces services publics administratifs, sociaux ou de l'éducation parce que le champ d'application du Traité est strict, et ne touche que la sphère économique. En d'autres termes, pour être plus juriste, la Communauté européenne ne dispose d'aucune compétence d'attribution en matière d'organisation de l'éducation, de santé... Ce que la Communauté européenne peut faire en revanche puisque le Traité a évolué de lors notamment depuis le Traité de Maastricht, c'est la possibilité de réfléchir à des règles communes en matière de santé par exemple y compris de santé humaine depuis le Traité d'Amsterdam mais à condition de prouver que cela apporte une valeur ajoutée pour les Etats membres. Mais en aucun cas, cela ne peut toucher à l'organisation des régimes de santé. Et évidemment, la Cour de Justice a eu à se prononcer car par deux fois, la Commission a essayé d'introduire la concurrence tout d'abord en matière de réglementation aérienne, de la sécurité aérienne du trafic aérien - il y a un organisme qui s'appelle Eurocontrol qui est un organisme pas seulement communautaire mais qui concerne aussi d'autres Etats et qui gère le trafic aérien au-dessus du territoire européen -. La Commission avait commencé à dire qu'il fallait appliquer la concurrence à Eurocontrol. Et bien, la Cour a été très claire dans un arrêt de 1994. Elle a dit qu'Eurocontrol touche à une fonction de puissance publique qui est la gestion de la sécurité aérienne. On ne va certainement pas introduire la concurrence dans ce domaine : il s'agit d'une activité régalienne de la puissance publique.

          Deuxième exemple : la gestion de l'assurance maladie et des caisses complémentaires de sécurité sociale. À un moment, la Commission voulait appliquer les règles de concurrence à ces régimes toujours à l'occasion d'un contentieux. C'est un arrêt qui concernait les Assurances Générales de France en 1993, si je me souviens. Dans un domaine qui touche à la solidarité nationale, il ne s'agit pas d'un domaine économique. La seule exception dit la Cour, c'est pour les régimes complémentaires facultatifs.

          Pour résumer ce que dit la Cour, les règles de concurrence ne s'appliquent ni aux activités de puissance publique y compris même la gestion de l'environnement comme la réglementation de la pollution - il existe un arrêt sur les régimes antipollution dans les ports - ; ni dans les domaines sociaux y compris l'éducation.

De la salle :
          Une remarque et une question.

          Il s'est dit ce soir à 19 heures 45 sur France Inter, dans une rubrique faite par un certain Sylvestre, je résume à peu près ces propos, qu'il était scandaleux qu'EDF refuse d'être privatisée alors quelle rachetait des sociétés en Italie ou dans d'autres pays, que c'était un scandale, que c'était même inadmissible et qu'il fallait que cette entreprise se plie au principe de pouvoir être elle aussi rachetée. Je crois qu'il serait bon - je ne sais pas quelle est la possibilité que nous avons d'expliquer justement ce que vous venez de dire - de contrer ce genre de propos ultra libéraux qui visent le service public.

          Ma question est la suivante. On parle d'EDF, on parle de courant. Mais il n'y a pas qu'EDF qui produit du courant ! Il y a l'eau aussi par exemple. Et il existe pour l'eau des monopoles privés qui fixent leurs prix, qui font payer aux municipalités souvent plusieurs fois même aux municipalités les salaires de leurs cadres ou lieu de les répartir globalement sur l'ensemble des municipalités qui sont clientes. Ces entreprises privées font payer à chaque fois aux municipalités les mêmes salaires des cadres ce qui fait que l'on arrive à des prix de l'eau absolument démentiels. Est-ce que ce n'est justement l'occasion de profiter de l'Europe pour pouvoir uniformiser ou tenter de l'essayer dans le cadre justement de cet intérêt collectif, la fourniture de l'eau d'abord en France et ensuite au niveau européen.

Stéphane RODRIGUES :
          Sur la première question, il est évident que l'argumentation n'est pas facile à vendre parce qu'il est vrai qu'il y a une image qui veut que EDF en profite un peu partout en Europe et on ne peut pas faire la même chose sur son territoire. Sauf que je le répète - ce ne peut qu'être qu'un débat politique - juridiquement, qu'on ne me dise pas que dans c'est avec le droit européen que l'on pourra forcer la privatisation d'EDF. C'est faux. Est-ce que sur le plan politique EDF a intérêt à une privatisation ou pas, je ne me prononcerai pas là dessus. Peut-être qu'au sein du management d'EDF, certains diraient que cela pourrait permettre d'avoir des coudées un peu plus franches qu'actuellement. C'est possible. Mais je le répète ce n'est pas dans le droit communautaire que l'on pourra me dire que l'on trouvera un argument en faveur de la privatisation. Sauf à changer les Traité, en l'état actuel des choses, c'est faux. À mon avis, tant que la France tiendra à sa notion de service public, il n'y a pas de raison pour que cela évolue.

          J'ai plutôt envie de dire que puisque que c'est une question politique, il faut que ce soit résolu par les politiques. Si l'Italie a choisi de tout privatiser, c'est un choix politique. Si l'Espagne actuellement a choisi de tout privatiser y compris son armée, je l'ai appris il n'y a pas longtemps que la gestion des casernes est une gestion désormais privatisée, c'est un choix politique. Mais que l'on ne nous l'impose pas au nom de je ne sais quelle règle européenne qui n'existe pas ! Tant mieux si EDF a pris des participations ! Dans ce cas là, la réponse qui ne peut qu'être que politique, c'est de dire à BERLUSCONI, à AZNAR de renationaliser leur électricité si vous voulez que la situation soit d'égal à égal ! Ne nous imposez pas un choix politique, un choix économique qui n'est pas imposé par l'Europe.

          Sur la deuxième question, c'est vrai qu'il y a pour le moment très peu ou pratiquement rien sur l'organisation du service publique de l'eau au niveau européen. Le doit communautaire s'intéresse à l'eau dans sa composante environnementale notamment en matière de qualité. Il y a une grande directive adoptée en 2000, la directive cadre sur l'eau, qui s'intéresse à la qualité. Mais bizarrement, effectivement on ne s'intéresse pas encore beaucoup à l'organisation de l'eau mais certains, y compris en France, commencent à se demander s'il ne faudrait pas plutôt avoir un service public de l'eau avec peut-être d'ailleurs une renationalisation des grands groupes de ce service qui finalement est entre les mains, on ne va pas se cacher les yeux, de deux ou trois grands groupes, très importants dans le milieu du BTP par ailleurs !!! Ces groupes font en fait un peu ce qu'ils veulent. Alors, le seul angle d'attaque pour le moment de la part de la Commission, ce sont les marchés publics. Evidemment, comme vous le savez, en France, le système de la distribution de l'eau repose sur un régime spécifique qui est la concession. C'est-à-dire qu'une collectivité publique, les communes, va concéder à un entrepreneur privé la distribution de l'eau sur son territoire. C'est là que la Commission pourrait se dire qu'elle peut essayer d'appliquer les règles des marchés publics pour plus de transparence des mises en concurrence mais, il y a un double mais, c'est d'une part que cela ne peut pas s'appliquer en tant que tel aux concessions, la Commission aimerait bien aller un peu plus loin y compris évidement au niveau de l'électricité puisque EDF a recours également dans la distribution à l'outil de la concession même si c'est un peu plus compliqué puisqu'il est des délégations nationales en la matière, et d'autre part, c'est que dans la pratique - on pouvait dire que l'on va ouvrir ceci à la concurrence, on va en faire un marché public que l'on ouvre à la concurrence avec publicité - mais je suis désolé, quand on est la filiale d'un groupe qui s'appelle Bouygues, face à "Domingues & CO SARL"(!!!), pour aller aux marchés publics la concurrence va être dure ! Il faut voir aussi la réalité économique et cette réalité économique n'est pas toujours évidente quand il existe déjà de facto des monopoles. Là en matière d'eau, vous touchez un problème où le droit communautaire est un peu désemparé. Il existe déjà des monopoles de fait bien implantés. Sauf à faire jouer la concurrence avec des grands groupes européens, on pourrait l'imaginer, mais même en la matière, on a à faire à des groupes internationaux qui se situent aux premières places ! Donc ici aussi la question est davantage politique. C'est aux Etats de décider s'ils doivent considérer qu'il faut renationaliser tout ou partie de ce service. Je me souviens d'un débat électoral où c'est un parti actuellement dans l'opposition qui était prêt à défendre la nationalisation de l'eau. C'est Philippe SEGUIN, si je ne me trompe pas, qui dans un débat avait dit qu'il faudrait, pourquoi pas, un jour un service public nationalisé de l'eau. Il était conscient que même quand on s'appelle Philippe SEGUIN, Ancien Ministre et Député Maire d'Epinal, face à de grands groupes on est obligé de passer par les conditions imposées par ces grands groupes.

De la salle :
          Je voudrais revenir sur ce qui nécessite la création de service public. Il y a au niveau européen des zones de "désertification" de service public dans le Sud de l'Europe. N'y a t'il donc pas un intérêt général évident de création de service public. Il y a aussi le domaine de l'environnement. Notamment en ce qui concerne par exemple les transports avec le nombre de camions sur les routes. Je voudrais savoir ce qui empêche la Commission ou les institutions européennes de créer un service public européen indépendant des Etats. Ce serait un véritable service public européen.

Stéphane RODRIGUES :
          Là il faut faire de la prospective à long terme mais vous posez une très bonne question. A titre personnel, je défends l'idée d'un service public européen depuis très longtemps, au moins depuis presque 10 ans. Il y a eu plusieurs groupes de réflexion qui ont réfléchi à cela, qui ont déjà fait des propositions. La réponse de nos partenaires : c'est encore le meilleur moyen de camoufler vos monopoles ! C'est-à-dire de transformer EDF en "Electricité d'Europe". C'est souvent l'argument. Or, il faut se dire qu'il y a des cas qui se prêteraient très bien à des services publics européens.

          Exemple : les chemins de fer ; aujourd'hui, les chemins de fer souffrent de deux maux une perte de vitesse en terme de part de marché. J'ai travaillé pour une mission auprès du Ministre des Transports sur l'avenir de SNCF en Europe, il y a sept ans et quand on a vu les chiffres qui ont été confirmés par la Commission européenne dans un livre blanc en juillet dernier, la part du chemin de fer dans les transports tous confondus ne cesse de décroisse depuis dix ans. Deuxième mal, le transport ferroviaire, c'est le gouffre financier qui ne cesse de s'accumuler. Ici, on pourrait imaginer un grand service public européen ferroviaire avec une réglementation communautaire et pourquoi pas une entreprise communautaire. Pourquoi je donne cet exemple, parce qu'on nous rabâche souvent l'exemple du libéralisme à l'américaine. Savez-vous qu'il y a deux grandes exceptions avec des entreprises publiques fédérales américaines : c'est la Poste américaine et c'est le chemin de fer.

De la salle :
          C'est une entreprise qui a été créée par le gouvernement fédéral pour sauver les chemins de fer.

Stéphane RODRIGUES :
          Exactement.

          Il faut reconnaître qu'il y a une évolution. J'espère que ce sera une évolution qui permettra d'ancrer cette idée un peu plus fortement dans les textes européens. Ce n'est pas pour les deux ou trois années à venir mais on commence à comprendre qu'il y a des problèmes qui sont mieux gérés au niveau européen que national en matière de service public et notamment la question de la sécurité. Grâce à "l'effet Erika", c'est hélas dommage de le dire, la Commission a fait une proposition de créer une agence européenne de sécurité maritime. Vous en avez tous entendu parler. Cela a donc donné un déclic incroyable au niveau du Conseil des Ministres et actuellement, vous avez sur la table du Conseil deux autres propositions celle d'une agence européenne de sécurité aérienne - encours de négociation, l'accord politique vient d'être donné à Nice - ; et voilà quelques semaines l'agence européenne ferroviaire pour permettre de réglementer la sécurité et la congestion sur les trafics mais ce sera pour le réseau transeuropéen de fret. Pour le moment, la Commission a dessiné des réseaux clés, des corridors de fret, qu'elle considère comme essentiels pour rendre plus fluide le trafic de marchandise et que sur ce réseau, ce sera désormais à une agence européenne de réglementer tout ceci. C'est un premier pas parce que lorsque, je l'espère, on verra que cela fonctionnera bien sur le réseau du fret, il n'y a pas de raison qu'un jour cela ne vienne pas pour le réseau de voyageurs. Et quand on s'apercevra qu'il existe une réglementation européenne et une agence qui dicte les règles, pourquoi on n'aurait pas un jour une entreprise pour ces corridors européens. On y arrivera.

          Un autre exemple : la Poste. On pourrait très bien imaginer un jour avec l'effet de l'Euro, une valeur unique du timbre. Je suis persuadé qu'un jour ou l'autre il y aura une uniformisation du prix du timbre. On pourrait imaginer ensuite que l'étape supplémentaire serait de réfléchir pour avoir une Poste européenne après tout ! Arrêtons de nous faire de la concurrence entre Postes sur le courrier de base, la lettre, puisque de toute manière cela restera un monopole. Tant qu'à faire, il vaut mieux que ce soit un monopole européen.

Laurent BONSANG :
          Je profite de cette occasion pour vous indiquer une réflexion que nous avions faite au niveau du Mouvement Européen de Seine-et-Marne en 1994 avant que le ME77 soit créé officiellement. Nous avions fait une étude sur l'arrivée et les conséquences concrètes de la monnaie unique, à l'époque c'était l'ECU. On s'était penché sur la Poste, sur le timbre. Et je ne souviens très bien que nous avions émis l'idée justement d'une Poste européenne.
Un autre point que je voudrais rappeler : c'est ma satisfaction, suite à l'Erika et aux tempêtes de décembre 1999, nous avions adopté une résolution au niveau du ME77 adressée aux parlementaires de Seine-et-Marne, aux Députés européens d'Ile-de-France, au CES européen et à la Commission européenne, demandant qu'il fallait créer une structure de mise en alerte et de réaction rapide Par rapport aux problèmes soulevés par la gestion de ces catastrophes. Cela me fait aussi penser à un dossier très important venant d'une section locale du Mouvement Européen, celle du Finistère, qui a un projet de création d'un corps de garde-côtes européen. Cela me semble être indispensable avec l'existence actuellement de véritables poubelles ambulantes qui navigant sur les mers.

De la salle :
          Je voudrais m'exprimer à titre personnel malgré ma fonction (Directeur régional EDF- GDF, ndlr). Je vais essayer d'éclairer la situation actuelle. J'ai l'impression qu'aujourd'hui, et en écoutant Stéphane RODRIGUES ainsi que le débat politique d'aujourd'hui, il y a une vision caricaturale du service public avec deux visions très antagonistes.

          Il ceux qui voient EDF-GDF comme une entreprise très nationale qui doit rester sur ses frontières françaises, qui doit garder son monopole, dans laquelle le rôle de l'Etat doit être important, qui doit garder un statut spécial pour son personnel, qui doit rester une entreprise à capital public et pour qui l'Europe est une menace. Et vous auriez pu ce soir avoir des gens qui auraient soutenu exactement tout ceci.

          À l'opposé, une autre vision aussi caricaturale qui dit qu'il n'y a d'entreprise qu'européenne, il faut absolument que la concurrence en tant que mode de régulation permette de progresser, il faut respecter totalement la liberté du consommateur avant toute régulation d'Etat avant de penser aux démunis il faut la liberté du consommateur qui peut choisir de choisir, le statut spécial du personnel est dépassé, il faut passer à un statut général, bien sûr l'entreprise doit être privatisée, et puis la vision européenne est une chance absolue.

          Il y a donc deux aspects caricaturaux. Je voudrais revenir à la lumière d'EDF et de GDF. Sur chacun de ces antagonismes, je voudrais dire qu'il n'y a pas de solution miracle que ce soit pour l'énergie comme pour les télécommunications, qu'il y a sans doute à mettre le curseur intelligemment en fonction de l'efficacité économique, en fonction de la vision politique. Et qui si on arrive à faire cela, oui, la construction européenne et le service public en Europe sont de véritables opportunités. Mais il faut sortir des caricatures.

          Si je reprends les caricatures, vous dîtes qu'en 1990, il y avait de profonds débats sur l'internationalisation d'EDF, le fait de se tourner vers l'international, ce débat continue. Il y a toujours de gens qui se demande ce que va faire EDF à l'étranger, pourquoi tous ces investissements - vous avez oubliez l'achat de la Régie de Londres. L'argent du contribuable français comme si c'était le contribuable français qui finançait à lui seul EDF, cet argent doit rester frileusement en France...

          Notre marché : c'est l'Europe ! Il n'y a pas la place pour une entreprise étriquée aujourd'hui en France dans les options politiques qui ont été choisies pour tous les gouvernements et par l'opinion française. Le marché intérieur, c'est l'Europe. A partir de là, si on ne veut pas rester un nain en France et se recroqueviller, il faut aller prendre des parts en Europe, il faut introduire sans doute un peu de concurrence en équivalence parce que sinon les personnes ne comprendraient pas. Ce marché européen, c'est notre marché.

          Quand on est une entreprise responsable, si on peut penser à la France, il faut penser à l'Europe !

          Deuxièmement, monopole ou concurrence. Il y a eu de vrais débats que je vais essayer de ne pas caricaturer mais quand même. La situation de monopole d'EDF a permis, parce que ce monopole était vertueux, d'arriver à une électricité parmi les moins chères d'Europe ; a permis d'avoir un consommateur français qui est l'un des plus satisfait d'Europe ; a permis que tous les pays européens ont envie de pouvoir bénéficier de ce marché. C'est pour cela qu'EDF a pendant très longtemps freiné des quatre fers. Un modèle qui a réussi économiquement, au nom de quelle idéologie, on le casserait pour introduire la concurrence. C'est un vrai problème qui est lié à la nature spécifique de l'électricité. L'électricité de ne stocke pas, l'électricité a du mal à se transporter loin, l'électricité pour être produite nécessite des usines qui doivent s'amortir sur de longues périodes pour être produite de manière économique, c'est tout le pari du nucléaire. On peut être contre idéologiquement mais c'est quand même le nucléaire qui a assuré à la France un rôle très envié, celui d'avoir l'électricité la moins chère d'Europe ! Parce qu'il n'y avait pas la concurrence, parce que EDF connaissait son marché et que pendant les 20 années à venir elle aurait des clients sûrs, EDF a pu développer des moyens chers d'investissements. Partout où il n'y a pas cette assurance, partout où existe la totale concurrence dans ce milieu très particulier qu'est l'énergie, on se recroqueville sur le moins cher, ce qui s'amortit en deux ou trois ans parce que l'on n'est pas sûr de pouvoir garder ses clients plus longtemps ou qu'il n'y ait pas une nouvelle technologie. On aboutit dans ce cas à des situations que l'Espagne, la Californie et l'Australie connaissent bien, c'est la pénurie ou celui que connaissent d'autres pays européens qui ont une électricité très chère qui est rapidement amortie.

          Ceci dit. Pour une expérience d'EDF réussie, beaucoup de pays ont eu dans le monopole des échecs cuisants. Parce que le monopole n'a pas su se réguler. Vous parlez de l'Angleterre. Ce pays est dans la libre concurrence mais avant Mme Thatcher il y avait un service public et un service public catastrophique qui avait des prix 30 ; 40 voire 50% plus chers qu'EDF ! Pourquoi, parce que ce service public n'a pas été géré intelligemment, il n'a pas été géré dans le sens de l'économie, de l'intérêt général. On a vu à l'époque le corporatisme à son paroxysme.. Le monopole a de l'intérêt quand il est vertueux et la concurrence elle aussi peut des fois obliger EDF de se secouer un peu plus !

          On va arriver à un système qui a une partie en concurrence, une partie qui va rester en monopole et un régulateur qui s'il est intelligent et fait bien son travail, on devrait arriver donc à un système qui fonctionne en dehors de toute idéologie.

          Troisième point. C'est la liberté du consommateur, le rôle de l'Etat, l'intérêt des plus démunis. C'est vrai qu'il y a une aspiration des consommateurs français et européens à vouloir choisir. Derrière, je crois, qu'en dehors de toute idéologie, le Français comme l'Anglais ou l'Allemand a envie de choisir son fournisseur. Face à cette situation certains disent que ce sont les plus riches qui vont choisir et personne ne va demander aux plus pauvres de choisir et on va les abandonner. C'est là où on a vu des avancées considérables dans ces arrêts et dans la définition de la notion de service d'intérêt général. La dernière avancée à Barcelone est que ce n'est pas parce qu'il y aurait le choix dans la concurrence que l'on devrait dire que le service public est fini, ainsi que l'intérêt général des plus démunis ! Vous avez bien fait de le préciser. Quand on a ouvert l'électricité à la concurrence, on a été du coup obligés de définir ce que l'on devait aux plus démunis et c'est là que l'on a défini qu'il y aurait un tarif spécifique pour les démunis et c'est là que l'on a défini des systèmes d'aides. À condition d'avoir là aussi la régulation et le financement de la régulation par l'ensemble des acteurs, on peut avoir des actions spécifiques à destination des plus fragiles. On peut aussi garantir la péréquation. Il suffit de le vouloir et on met en place des caisses de péréquation.

          Quant au statut spécial du personnel. Vous l'avez bien dit dans votre exposé. Plus que la réalité du secteur électrique, plus que le réalisme économique, c'est la crainte du social qui a fait pencher d'un côté les Commissaires. C'est vrai, il s'agit d'une force très importante que ces corporatismes avec un régime spécial mais qui donc au final les avantages sociaux sont payés par le contribuable. Il y a là aussi deux approches. Le statut spécial est une spécificité spéciale de cette industrie et que si on veut produire efficacement dans un secteur de pointe comme l'énergie, il faut s'assurer qu'il y ait des ouvriers, des techniciens, des ingénieurs qui puissent faire une carrière, que la formation puisse se développer. Donc en donnant un statut particulier, on n'a pas le turnover qui existe dans les starts up ou dans l'informatique. Si in fine on garantit un service bon et efficace, et une électricité moins chère qu'ailleurs, ce n'est pas la peine de chipoter et de dire que ce sont des privilégiés. Il faut regarder ce que l'on pourrait perdre. Il faut trouver un point d'équilibre. C'est vrai que le statut va évoluer, que l'on va parler des retraites. Il ne faut ni dire que tout est à jeter, ni dire que 1946 doit être statufié, déifié...

          La dernière opposition c'est entreprise publique, capital public versus entreprise privatisée. Là aussi on veut faire du dogmatisme. On peut être une entreprise de service public vertueuse en ayant ouvert son capital. Qu'est ce qui fait qu'un capital est complètement fermé ou est ouvert ? Il y a eu pendant longtemps du dogmatisme y compris de la part des pays. Vous vous rappelez 1981, les nationalisations puis quelques années après privatisations, on a tout connu. Aujourd'hui, lorsque l'on a un système de régulation correct, lorsque l'on a un Etat qui ne veut pas tuer ses entreprises en lui faisant mener des politiques sociales dont l'Etat veut tenir totalement les manettes, je crois que l'on peut arriver à bien fonctionner. Aujourd'hui, le problème se pose pour GDF et pour EDF. Pourquoi ? Tout simplement parce que si on veut se développer en Europe, si on veut investir en France, préparer le renouvellement des centrales nucléaires, si quand on est GDF on veut se préparer à l'ouverture, il faut être capable d'investir, de nouer des alliances. Il n'y a pas 36 façons. Si on a besoin d'argent pour devenir un vrai producteur comme GDF, pour prendre des parts de marché un peu partout, il y trois façons d'avoir de l'argent.
La première est de faire payer le consommateur. Méthode classique qui a bien marché quand on était en situation de monopole. On fait payer le consommateur ; on fait le développement et puis ensuite le consommateur en tire les bénéfices. C'est ce que l'on a fait pour le nucléaire. C'est une méthode qui fonctionne quand le marché est fermé, quand c'est l'Etat qui fixe les tarifs... Si la concurrence est mise en place, tout cela ne marche plus. On peut emprunter aux banques certes mais le poids de la dette peut être très lourd et au delà d'un certain niveau les banquiers ne prêtent plus. Donc il faut avoir un capital. Quand on est une entreprise nationalisée, on se tourne vers l'Etat. Cela fait vingt que EDF se tourne vers l'Etat, l'Etat n'a pas donné un franc depuis vingt ans. L'Etat ne donne plus et ce n'est plus sa vocation en France. La vocation de l'Etat, tout le monde le dit, ce n'est pas prendre l'argent du contribuable pour financer des entreprises qui sont sur le marché concurrentiel. Ainsi, il faut ouvrir le capital et avoir la possibilité que des apports de fonds, des partenariats, des échanges puissent se faire. C'est ce qui est un peu visé et là aussi il faut du dogmatisme. La campagne électorale actuelle en parle beaucoup. Tout le monde est bien d'accord sur le fait que l'on ne parle pas de privatisation, c'est à dire que l'Etat ne cédera pas la majorité des entreprises importantes surtout EDF qui a les manettes du nucléaire, vous l'avez bien rappelé, l'Etat pourra garder le contrôle de décision au Conseil d'Administration. De là, ouvrir sur 15 ; 20 ; 30% du capital, pour permettre à EDF de se développer, honnêtement, la réponse est à peu près Oui pour tous les économistes sérieux.

          Selon l'endroit où on arrivera à mettre le curseur, on sera entre la menace et puis la chance absolue. La chance absolue n'existe pas. De toute façon l'Europe ne s'ouvrira, ne marchera que si l'on est bon, qui si on arrive à être meilleurs que les autres, à baisser les prix, à avoir une image d'entreprise citoyenne aussi et pas ce qui s'est passé pour Total qui a fait n'importe quoi en matière d'environnement cela ne paie pas. Et donc si on arrive à bien mettre le curseur, l'Europe pourra être réellement une opportunité ; c'est ce que l'on espère à EDF et à GDF.

De la salle :
          Je voudrais exprimer tout d'abord l'intérêt que j'ai pris à écouter Stéphane RODRIGUES dans son exposé à la fois documenté, précis et fondé sur des bases de convictions que le Mouvement Européen partage ; attachés que nous sommes au Mouvement Européen à la poursuite de la construction européenne. En effet, je crois que l'Europe est une opportunité à saisir pour les services publics pour reprendre la conclusion de vos propos, Stéphane, qui pourrait aussi bien servir de titre à votre exposé.

          Néanmoins, lorsque nous nous éloignons du caractère précis et documenté de votre exposé, nous regardons aussi comment notre opinion en France et plus largement en Europe fonctionne par rapport à la poursuite de la construction européenne. En militants de la construction européenne, nous savons bien les difficultés de faire passer un certain nombre d'idées dans l'opinion et en particulier cette idée presque paradoxale par rapport à la connotation dominante de nos concitoyens sur ce que sont les services publics dans le contexte de la construction européenne à savoir pour beaucoup de nos concitoyens les services publics fondent diminuent comme une peau de chagrin, qui ne cessent de se réduire dans le contexte de la construction européenne. Je crois que cette observation, ce paradoxe d'observation contradictoire nous interroge sur la nécessité de communiquer sur cette question ; de transmettre la conviction que je sais évidemment partagée par notre auditoire de ce soir. Je crois qu'il y a au travers de cette interrogation une réponse qui est déjà décrite quelque part dans le débat tel qu'il s'est construit tout à l'heure ; cette réponse est sans doute dans la capacité que nous avons à orienter la construction européenne non pas uniquement et exclusivement comme elle l'a été historiquement de façon dominante dans des problématiques de régulation réglementaire contraignante, perçue comme telle en tout pas, pour les services publics en particulier mais pas seulement ; mais que bien évidemment, il faut faire vivre l'Europe en tant qu'entité porteuse de services pour nos citoyens. On revient à la question de savoir quels services publics non seulement dans l'Europe mais quels services publics initiés par elle-même. Il s'agit d'une question que me parait fondamentale qui me semble être de nature effectivement à faire rentrer l'Europe dans une dimension assez nouvelle sans doute. Mais avec l'arrivée de l'Euro qui est désormais dans toutes nos poches, on a franchi là, même s'il ne s'agit pas là d'un service public au sens traditionnel du terme, une valeur très concrète de la construction européenne qui touche nos concitoyens dans nos pratiques quotidiennes ; l'acte de payer n'est pas un acte anodin, le fait de le faire désormais avec cette monnaie est évidemment une avancée considérable. Mais bien au delà, dans des segments aussi pointus, aussi ténus finalement pour l'intérêt collectif que les garde-côtes européens, que l'organisme de veille et d'action rapide dans le cas de catastrophes écologiques ou naturelles comme on l'a pu le connaître avec les tempêtes de décembre 1999... Ou dans des domaines beaucoup plus larges d'intérêt public comme celui des transports en particulier il y a là à la fois une exigence que je pose en tant que politique non seulement engagé dans la vie politique de mon pays mais engagé aussi par conviction dans la vie politique de l'Europe, il y a là un enjeu militant et une issue de nature à dépasser cette contradiction malheureuse mais largement répandue dans l'opinion que quelque part l'Europe est un frein au développement des services publics de façon générale.

Laurent BONSANG :
          Nous allons terminer et notre dernier intervenant vient de faire très largement la conclusion.

          J'ajouterai quelques points.

          L'important pour nous de peser de toute notre force dans les travaux de la Convention sur l'avenir de l'Europe et au niveau du Mouvement Européen-France un certain nombre de nos responsables font partie de la Convention. Ils seront donc amenés, je pense, à être les courroies de transmission de nos interrogations et de nos travaux pour la Convention. Les conclusions de ce soir sont très importantes. Par exemple, faut-il aller vers un service public européen dans un certain nombre de domaines bien définis. C'est une question importante.

          Une autre question que l'on n'a pas abordée est la question budgétaire. Il faut avoir les moyens de nos politiques, de nos projets, de nos actions. Avec un budget plafonné à 1, 27% du PIB de l'Union Européenne, en réalité quand on reprend le budget 2002 qui est environ à 1,06% du PIB dont près de la moitié consacrée à la PAC, je crois qu'il faut, de surcroît avec l'arrivée prochaine de nouveaux Etats membres, se poser la question non seulement du cadre budgétaire mais du financement du budget notamment sur la question d'un possible impôt européen.

          Je voudrais remercier Stéphane d'avoir accepté notre invitation. Remercier aussi la municipalité de Pontault-Combault de nous accueillir pour la troisième fois dans ses locaux.