« Après le Conseil européen : Réparation ou Réconciliation ?

Le Conseil européen de Bruxelles est parvenu à remettre en marche l’Europe et nous devons nous en réjouir. Sylvie Goulard en a fait une très bonne analyse. Je viens juste ici prolonger celle-ci, en insistant sur un point qui n’avait échappé à personne  mais sur lequel plusieurs échanges auxquels j’ai pu participé hier donnent, me semble-t-il, un éclairage intéressant.

Alors que l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe recevait Hans Gert Pöttering, Président du Parlement européen, Monsieur Eörsi, député hongrois, a regretté avec force que le Conseil ait pu donner le sentiment que le pays qui attaquait le plus brutalement le consensus antérieur en tirait finalement avantage. Mauvais exemple… Fâcheux précédent…
Allant plus au fond des choses, notre collègue Eörsi a surtout déploré qu’on puisse encore motiver des revendications en faisant référence aux préjudices subis au cours des conflits qui nous ont divisés au vingtième siècle ? Et cela précisément quand on s’emploie à redonner à la construction européenne l’élan qu’elle n’aurait pas du perdre.

H.G.Pöttering lui donna complètement raison, appréciant le fait que la question ait été posée par un élu d’un peuple qui a particulièrement souffert. Notons au passage que jamais de telles références n’ont été utilisées entre Français et Allemands dans les années 50 ! Pour rester lui-même tourné vers l’avenir, il nous a exhortés à ne pas condamner les citoyens, dont les responsables actuels ont fait ce faux-pas, qui sont, eux, profondément désireux de tourner la page, compte tenu précisément des souffrances qu’ils ont endurées. Il reste évidemment beaucoup de charges émotionnelles. Autant de raisons pour ne jamais oublier le véritable principe de la construction européenne.

Je saisis donc cette occasion pour redire que nous ne sommes pas des comptables préparant un programme de « réparations », mais les bâtisseurs d’une Union de « réconciliation », ce qui est bien différent. Cela avait bien été intégré par les Pères fondateurs.

Dernière remarque, hier toujours, un débat un peu vif opposait en commission Grecs, Turcs et Chypriotes. La paix revenait, au moins en séance, par un nouveau rappel très fort de cette réalité d’évidence mais qu’on ne rappellera jamais assez : nous construisons une Europe de réconciliation, pour tourner la page. »

 

Denis Badré,
vice-Président du ME-F, Sénateur-Maire de la Ville d'Avray