LA PRESIDENCE FRANCAISE DE L’UNION
Ces quatre derniers mois, Nicolas Sarkozy a imprim� un nouveau rythme � la diplomatie fran�aise. Ses d�placements � l’�tranger ont �t� fr�quents et sa m�thode originale a �t� marqu�e par son implication personnelle.
Pour ce qui concerne la politique europ�enne, on note certes un style volontariste tout � fait nouveau�; celle-ci n’en est pas moins frapp�e du sceau de la continuit�.
La construction de l’Europe demeure la priorit� absolue, mais, Europ�en de cœur, Nicolas Sarkozy a tenu � sortir les institutions de l’orni�re dans laquelle elles se trouvaient avec le concours d’Angela Merkel.
Se posent dor�navant deux questions�:
- L’avenir du projet europ�en,
- Le cadre de la Pr�sidence fran�aise de l’Union.
L’avenir du projet europ�en s’inscrit � l’int�rieur de trois dimensions�: les missions de l’Europe, le primat de l’Europe de la d�fense, l’�radication des crises en Europe et au Moyen-Orient.
L’Europe est sortie du blocage institutionnel qui pr�valait depuis dix ans en adoptant le 23 juin 2007 le trait� simplifi� soumis � une CIG actuellement r�unie.
D�s lors, on peut envisager les missions de l’Europe � l’horizon 2020. A ce propos, dans son discours prononc� � l’ouverture de la XVe Conf�rence des Ambassadeurs, le 27 ao�t 2007, Nicolas Sarkozy sugg�re la cr�ation d’un comit� des sages. Celui-ci devrait avoir une triple fonction�: explorer l’avenir des n�gociations avec la Turquie en faisant en sorte de d�boucher soit sur l’adh�sion, soit sur une association aussi �troite que possible, accommodement qui marque un progr�s dans la r�flexion du Chef de l’�tat�; parall�lement , poser le probl�me des fronti�res de l’Europe en envisageant l’adh�sion de tout les pays de l’ex- Yougoslavie et en se demandant quel peut �tre le statut d’�tats tels que la G�orgie et l’Ukraine�; consid�rer �galement la nature du projet europ�en�: faut-il maintenir une Europe-march� ou ne faudrait-il pas avancer jusqu’� l’Europe-puissance�?
Dans ce dernier cas, il convient, ainsi que Nicolas Sarkozy le pr�conise, de conf�rer � l’Europe de la d�fense un r�le privil�gi�.
Ceci suppose d’abord qu’une nouvelle strat�gie de s�curit� soit �labor�e en 2008 en concertation avec l’Allemagne et le Royaume-Uni.
Ceci suppose ensuite, malgr� la conjoncture difficile, l’augmentation des budgets d’�quipement de la d�fense de la France et du Royaume-Uni, le doublement des budgets d’�quipement de la d�fense de l’Allemagne, de l’Italie, de l’Espagne, de la Pologne des Pays-Bas et du Portugal, ainsi que la multiplication des instruments d’interventions dans les crises, � savoir militaires, humanitaires et financiers, sans omettre l’application du principe des coop�rations structur�es.
Ceci suppose enfin que les moyens de l’Europe viennent en compl�mentarit� de ceux de l’Alliance Atlantique, dont 21 pays de l’Union sont membres. Alors, la s�curit� du monde occidental sera assur�e par le renforcement de l’Europe de la d�fense et la r�novation de l’OTAN.
De cette fa�on, la France�et l’Europe pourront participer � l’�radication des crises en Europe de l’Est et au Moyen-Orient, voire en Afrique.
L’Afghanistan constitue de ce point de vue le mauvais exemple puisque les forces de l’OTAN s’y enlisent face aux Talibans. Le Kosovo constitue au contraire un meilleur exemple dans la mesure o� l’Union et l’OTAN, sous mandat de l’ONU, coexistent de fa�on compl�mentaire. Cependant, bien que la France souhaite l’ind�pendance du Kosovo et la cohabitation des Serbes et des Kosovars, l’opposition de la Russie et le manque de r�alisme des protagonistes sont des facteurs qui peuvent contribuer � un affrontement entre les deux parties.
Dans les 4 crises du Moyen-Orient le jeu de la France est d�licat�: au Liban, en d�pit de la pr�sence du Hezbollah et des sollicitations syriennes, l’influence fran�aise et le r�le personnel du Ministre des Affaires �trang�res favorisent la solution du conflit libanais.
En revanche, dans la strat�gie de r�solution du conflit isra�lo-palestinien de m�me que dans l’action de la France en Irak pour y reprendre pied,notre r�le est peu important.
En ce qui concerne l’Iran, on note une proximit� de point de vue de la part des dirigeants des Etats-Unis et de la France, dans la mesure o� Nicolas Sarkozy pose le dilemme du maintien du nucl�aire civil ou du bombardement de l’Iran. Il est de fait que l’acquisition de l’arme nucl�aire par l’Iran serait un facteur puissant de prolif�ration dans la r�gion.
Dans ces conflits du Moyen-Orient, le r�le pr��minent des Etats-Unis, l’absence de la Politique ext�rieure de S�curit� et de D�fense europ�enne et le manque d’influence de la France, sauf au Liban, doivent �tre pris en compte.
Les pr�mices de la Pr�sidence fran�aise ont �t� d’abord marqu�es, comme l’avait promis le Chef de l’Etat, par le retour de la France en Europe � l’occasion du trait� simplifi� qui a repris la substance du trait� constitutionnel.
A dix mois de la Pr�sidence fran�aise de l’Union, il faut int�grer trois param�tres incontournables qui sont le retour de l’Europe en France, le r�le de l’Europe dans la mondialisation, les axes de la pr�sidence fran�aise.
Selon Jean-Pierre Jouyet qui intervenait devant la XVe Conf�rence des Ambassadeurs, le 28 ao�t 2007, le retour de l’Europe en France implique la reprise des d�bats avec les Fran�ais sur l’Europe, qui ne per�oivent correctement que ��l’importance du couple franco-allemand, partag�e par 80% des Fran�ais��.
Il serait bon �galement de revoir la fa�on de parler de l’Europe, ce qui suppose la conciliation d’un esprit europ�en et d’une identit� nationale forte. L’urgence d�mocratique consiste en effet � renforcer les dimensions nationales et europ�ennes.
Pour que l’Europe ne soit plus ��le cheval de Troie de la mondialisation��, il est indispensable de r�fl�chir � son r�le dans la mondialisation. On consid�rera le double effet de la mondialisation, le jeu des responsabilit�s nationales et la priorit� � l’�chelon europ�en.
La mondialisation est � la fois ��lourde d’opportunit�s et de menaces��.
Celle-ci est pour la France et l’Europe une source de croissance et de richesses. Dans le m�me temps, elle engendre des in�galit�s, s’attaque � des m�tiers, des personnes et des territoires. On conviendra que, dans notre �conomie,�certaines choses doivent �voluer et d’autres �tre conserv�es, en allant, peut-�tre, jusqu’� la protection.
Quant � l’exercice des responsabilit�s nationales, chaque pays doit proc�der � un travail d’adaptation. Dans les domaines de l’emploi, de la comp�titivit�, de l’�ducation, de la gestion financi�re chacun des 27 �tats se doit d’accomplir les r�formes les plus urgentes. C’est dans ce contexte que la r�union de l’Eurogroupe de juillet 2007 peut porter ses fruits.
Il reste que la priorit� conf�r�e � l’�chelon europ�en demeure d�terminante pour que les 27 deviennent plus forts dans la mondialisation. Les institutions europ�ennes doivent � la fois �tre ouvertes au monde tout en refusant le laisser-faire, d�fendre nos int�r�ts sans garder le statu quo, prot�ger ce qui peut l’�tre tout en conservant la r�alit� d’une concurrence libre et non fauss�e. C’est � travers de nombreux d�bats politiques que l’on peut appliquer ces principes. On citera, � titre d’exemples, la n�cessaire r�novation de la PAC, la modernisation et la consolidation de notre politique industrielle afin de sauvegarder un avantage comp�titif, le maintien des services publics en vue de sauver la coh�sion de nos soci�t�s.
Enfin, les axes de la pr�sidence fran�aise de 2008 doivent �tre fonction des urgences du moment tout autant que des priorit�s assign�es � l’application du programme du Chef de l’�tat.
De ce point de vue, on peut en d�gager cinq � l’heure actuelle�:
1/ Il s’agit tout d’abord de favoriser la croissance et l’emploi en se r�f�rant non seulement � l’agenda de Lisbonne, mais aussi aux priorit�s de la zone euro.
2/ Il s’agit ensuite de prot�ger les citoyens. Dans le domaine social, une s�curit� plus forte du parcours professionnel doit accompagner la flexibilit� des entreprises. De m�me, participe � la protection des citoyens une politique d’immigration commune.
3/ Il s’agit �galement d’assurer la traduction l�gislative des d�cisions prises en mars 2007 en mati�re d’�nergie et de changement climatique, en int�grant l’environnement et le d�veloppement durable. Il s’agit aussi de pr�parer l’avenir en promouvant Galileo, l’Institut Europ�en de Technologie ainsi que le d�veloppement d’Erasmus.
4/ Il s’agit, de la m�me fa�on, de maintenir l’influence de l’Europe sur la sc�ne internationale. Dans ce cadre, l’Afrique et son d�collage �conomique seront trait�s par Jean-Marie Bockel, tandis que Rama Yade insistera sur le 60eme anniversaire de la d�claration des droits de l’homme.
5/ Il s’agit enfin de prendre en compte la mont�e en puissance de l’Union M�diterran�enne, dans le contexte du processus de Barcelone et en fondant cette Union sur des solidarit�s de fait et des projets concrets.
La r�ussite de la Pr�sidence fran�aise au 2eme semestre 2008, sera due non seulement � l’accomplissement des projets de l’ex�cutif – Europe de la d�fense, environnement, �nergie et immigration-, mais aussi � des initiatives fortes dans le domaine culturel ainsi qu’� la r�alisation des projets des citoyens apr�s qu’ils ont �t� consult�s.
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Jean-Fran�ois DURANTIN
Politologue
6 septembre 2007