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Les frontières de l'Union européennes

Michel Thiers a accueilli les participants aux Journées d'étude du MEF dans la salle du Conseil général. Cette année est particulièrement riche en évènements : élection du Parlement européen, nouvelle Commission, débat sur la Constitution… Le MEF s'est mobilisé pour convaincre les citoyens d'approuver le traité constitutionnel, qui offrirait la possibilité de clarifier les responsabilités dans la " structure européenne ".
Le vote à la majorité qualifiée, la nomination pour deux ans et demi d'un Président du Conseil européen, la nomination d'un Ministre européen des Affaires étrangères, la volonté de replacer le citoyen au cœur du fonctionnement de l'Union : voici autant de gages de succès d'une entreprise unique au monde.

Anne-Marie Idrac a rappelé qu'il existait au sein du MEF un débat sur les frontières et les élargissements éventuels de l'Union, qui ne peut en aucun cas être lié à celui de la constitution. Cependant, la chronologie est particulière et tend à rapprocher ces deux débats pourtant distincts. Il était donc dans le rôle du MEF de réfléchir à la question des frontières, sachant qu'il a déjà pris position sur le fait qu'il était indispensable pour tout pays candidat de remplir l'ensemble des critères de Copenhague. Il est peu probable que de ce débat émerge une position commune sur l'adhésion de la Turquie, néanmoins cette rencontre permettra de prendre connaissance d'autres arguments, d'autres points de vue, afin d'éclairer notre réflexion.


Catherine Lalumière a rappelé que le débat sur les frontières ne se limitait pas à la candidature turque. D'autres Etats, dans les Balkans ou à l'Est de l'Europe, pourraient poser leur candidature.

En fait, la question des frontières de l'Union européenne se décompose en deux, car " Europe " et " Union européenne " ne sont pas synonymes : le pays candidat est-il " européen " ? Si oui, satisfait-il aux critères prévus pour entrer dans l'Union ?

Sur le premier point, les avis sont très divers. En 1989 déjà, des débats très vifs ont eu lieu au Conseil de l'Europe pour essayer de définir les frontières de l'Europe. A l'époque, la Turquie était depuis plusieurs années membre de l'Organisation et avait donc été considérée comme Européenne. Après 1989 ont rejoint la famille de très nombreux pays comme la Russie, l'Ukraine, la Moldavie, la Géorgie et bien d'autres pays du Caucase ou des Balkans. En fait, le Conseil de l'Europe, pour définir l'appartenance à l'Europe, s'est toujours appuyé sur des critères géographiques, historiques et culturels.

Aujourd'hui, la question des frontières de l'Europe se focalise sur la Turquie. En effet, avant même d'examiner si la Turquie satisfait ou non aux critères d'entrée dans l'Union, la question, objet de débats passionnés, est de savoir si la Turquie est européenne ou ne l'est pas au sens du texte très laconique du Traité de Rome qui parle seulement et sans précision " d'une Union sans cesse plus étroite entre les peuples européens ".

En ce qui concerne le critère géographique, la Turquie est à la charnière de l'Europe et de l'Asie et il est difficile de trancher du sort de la Turquie sur la seule base d'un critère nécessairement arbitraire qui, si on l'appliquait en toute circonstance, pourrait conduire à couper la Russie en deux, les géographes ayant considéré que l'Oural était la frontière entre l'Europe et l'Asie.

Le critère historique n'est pas non plus facile à utiliser. Les ancêtres de l'Histoire européenne ont été très largement les peuples méditerranéens, au moins autant sinon plus que les peuples du Nord ou de l'Est du continent. Qui pourrait dire que l'Asie mineure ne fait pas partie de l'histoire de l'Europe ?

Reste le critère culture. Nombreux sont ceux qui insistent sur la différence de culture entre les turcs et nous. En fait, derrière la culture, il s'agit plutôt de religion. Dans une Europe judéo-chrétienne, un pays musulman n'aurait pas sa place. Ce type d'argument est évidemment dangereux à manier car il introduit une discrimination qui peut déraper en véritable guerre de religion. Or, aujourd'hui plus que jamais, nous devons être attentifs à ne pas replacer au centre de nos sociétés le clivage religieux qui, dans le passé, fit tant de mal. Nous avons, dans nos pays de la Vieille Europe, des millions de musulmans qui y vivent très normalement. Au surplus, nos relations avec le monde musulman revêtent pour l'avenir une énorme importance.

La Turquie, dans cet effort de rapprochement et de compréhension nécessaire à la paix, peut nous aider. Elle peut être une passerelle extrêmement utile. Par ailleurs, ce serait dommage de la repousser et de la décourager, au risque de la faire basculer vers un Islam intégriste qui, lui, constitue une menace pour la stabilité du monde.

Bref, multiplier les arguments pour tenter de démontrer que la Turquie n'est pas européenne, semble un exercice passablement arbitraire et finalement dangereux.

Mais, bien évidemment, ceci ne préjuge pas du respect par la Turquie des critères de Copenhague qui sont imposés à tout candidat à l'entrée dans l'Union européenne : critères économiques, critères politiques, adoption de l'acquis communautaire. Sans oublier deux éléments fondamentaux : l'intérêt de l'Union et la volonté de vivre ensemble.

Sur ces critères-là, c'est l'avenir qui nous dira la véritable volonté de la Turquie et celle des Etats membres. Pour l'instant, il s'agit seulement d'ouvrir les négociations, ce qui suppose que le peuple turc soit considéré comme faisant partie des " peuples européens ".

J'ajoute en terminant que l'appréciation que l'on porte sur la présence de la Turquie au sein de l'Union européenne, comme sur l'adhésion éventuelle d'autres grands voisins, dépend beaucoup de l'angle sous lequel on examine la question. Si l'on se place sous l'angle du fonctionnement interne de l'Union, il est évident que les inconvénients sautent aux yeux. Plus on est nombreux, plus les membres sont grands et peuplés, plus les rouages risquent de se gripper et l'Europe fédérale risque de s'affaiblir. Par contre, si l'on se place d'un point de vue géostratégique, on comprend mieux l'intérêt que l'Union aurait à compter un pays comme la Turquie parmi ses membres. Cela permettrait de renforcer les liens avec le monde islamique. Et, à tout le moins, cela permettrait d'éviter que la Turquie, devant laquelle on aurait fermé la porte, ne bascule dans le fondamentalisme religieux ce qui constituerait, dans notre proche voisinage, une menace très sérieuse.

Bref, sur des sujets aussi délicats, qui comprennent de multiples facettes, il faut se garder de jugements péremptoires et hâtifs et " laisser le temps au temps " pour examiner très soigneusement tous les aspects du problème et l'évolution même du problème.


Christian Philip a présenté 5 observations.

La première est qu'il faut, pour l'Europe, poser la question de ses frontières, afin de permettre une identification de l'Union européenne. Comment convaincre les citoyens que l'Europe participe à leur identité, au même titre que l'identité nationale, si on ne leur dit pas ce qu'est cette identité européenne ? Nos valeurs sont certes européennes, mais elles sont aussi universelles et ne peuvent donc constituer à elles seules une réponse. Il faut aussi fixer des frontières car un trop grand nombre d'Etats membres fait perdre la capacité de décider et de mener un projet politique. Il est impossible de fermer la porte des adhésions sans avoir au préalable défini les frontières de l'Europe. Sans définition des frontières, la " fuite en avant " continuera.

Jusqu'à maintenant, les élargissements successifs n'ont pas réellement posé la question des frontières. On ne pouvait pas refuser l'entrée des nouveaux membres de l'Union. Ils étaient tous clairement européens.

Les critères de Copenhague sont certes importants mais ils ne concernent pas la question des frontières. La question préalable est celle des frontières de l'Europe, celle des critères de Copenhague vient ensuite.

Qu'est-ce que l'Europe ? Jusqu'où va-t-on ? La définition qui arrête l'Europe à l'Oural ne peut convenir : la Russie n'a pas vocation à intégrer l'Union. Certains pays ne soulèvent pas de doute quant à leur identité européenne : c'est le cas des Balkans ou de la partie septentrionale de l'Europe, comme la Norvège, voire l'Islande. La Suisse nous rejoindra un jour, espérons le. La Turquie pose par contre problème car elle s'étend majoritairement hors d'Europe et que son adhésion impliquera de se poser la question de ceux qui sont autour, comme la Géorgie ou l'Azerbaïdjan. Les frontières de l'Europe doivent elles être celles du Conseil de l'Europe ? Cette conception conduirait à une dilution et oublierait les vocations différentes du Conseil de l'Europe et de l'Union.

La notion de frontière implique de savoir construire des relations privilégiées avec les pays frontaliers. Actuellement, le contenu de ces " partenariats " reste à inventer. Ce partenariat ne peut pas se limiter à une participation aux actions communes de l'Union si elles ne sont pas conçues ensemble. Il doit être doté d'un système institutionnel qui associe le pays concerné et l'Union à la prise de décision sur les points d'intérêt commun. Il faudra convaincre de l'intérêt de ce type de partenariat et de sa supériorité sur une adhésion mal conçue qui conduirait à une implosion de l'Union ou à un échec. La question ne se pose pas qu'avec la Turquie, mais aussi avec la Biélorussie et l'Ukraine. Ce n'est pas marquer de l'hostilité à la Turquie que de remarquer qu'avec son entrée, elle serait le pays le plus important démographiquement mais le plus périphérique. Il n'y a pas d'exemple de groupement d'Etats où cela peut fonctionner.

Posons enfin la question du dialogue euro-méditerranéen. Le problème présent de la Turquie doit aussi être posé à la lumière de ce que nous avons à proposer aux pays méditerranéens. Peut-on refuser le Maroc et accepter la Turquie ? Nous devons concevoir une relation plus particulière avec le bassin méditerranéen. La Turquie doit prendre sa place dans cette stratégie.

Il est donc temps de répondre avec courage à la question des frontières de l'Europe.

Sylvie Goulard a fait part de sa conviction qu'il était grand temps pour l'Union d'ouvrir ce débat, malgré sa difficulté. Il a été longtemps impossible de débattre de ce sujet car l'Union n'a pas été faite pour exclure mais pour unir, ce qui rendait difficile des prises de position sur les frontières. La question n'a pas pu se poser pour les dix nouveaux membres car les interrogations étaient perçues comme une opposition à l'élargissement ou à la réunification de l'Allemagne. Offrir la perspective d'adhésion est une chose considérable pour les pays en développement ou en cours de rattrapage économique. Or nous sommes à un instant particulier de la construction européenne. La question de la candidature turque cristallise une interrogation encore plus fondamentale sur la construction européenne et la réforme de nos institutions. Les étapes antérieures ont été passées sous silence auprès du public, qui a maintenant besoin de comprendre et qui attend des explications.
La décision essentielle sera prise le 17 décembre : l'idée que des négociations pourraient être ouvertes et qu'elles n'aboutiraient pas n'est pas honnête, vis à vis des Turcs et vis à vis des citoyens des Etats membres. Cette attitude est très dangereuse : le scénario le pire est de continuer de promettre aux uns pour in fine faire refuser l'adhésion par un autre peuple. Certains Etats membres comptent sur un refus des peuples, français notamment, pour se décharger d'un refus officiel.

Certes, l'argument géopolitique qui tend à utiliser l'Europe comme un facteur de démocratisation et de stabilisation a une grande portée. Mais cela correspond à un changement de nature de l'Union européenne, qui n'est pas un outil diplomatique. C'est une union d'Etats et de citoyens, qui a une finalité politique. Il ne faut pas que ce changement se fasse, subrepticement, par abandons successifs. Ceux qui se disent convaincus que la finalité politique n'est pas remise en cause n'apportent aucune réponse à la question : comment l'Union va encore pouvoir fonctionner ?. Sur le plan institutionnel, il est évident qu'il y aura trop de pays autour de la table des négociations et que la taille des pays n'est pas neutre. La nature des relations change avec le nombre de négociateurs autour de la table, cela complexifie aussi l'analyse et la compréhension des positions des uns et des autres. Il ne faut pas perdre de vue l'effet domino d'un nouvel élargissement : une réponse positive à la Turquie rendrait difficile un refus à l'Ukraine…et ainsi de suite.
Les institutions sont donc en danger, les politiques aussi. Si l'on prend l'exemple de l'Europe sociale, on voit qu'elle devient impossible avec un pays qui se classe lui- même comme pays en développement à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et qui mène une politique résolument libérale, à la demande même du Fonds monétaire international.
On peut se demander aussi comment les pays qui militent pour une réduction du budget communautaire, dont la France, l'Allemagne et bien d'autres, vont financer les besoins énormes de la Turquie, par exemple en termes d'infrastructure. L'entrée de la Turquie serait donc une pression pour le moins disant européen. Il faut donc faire attention à ne pas mettre à terre le projet européen communautaire, sous de intentions apparemment nobles.

Sur la démocratie, enfin, il faut prendre très au sérieux la crise que nous vivons à l'heure actuelle. La désaffection d'une grande partie de l'opinion face à la construction européenne est réelle. Par exemple, 38% des Allemands pensent que l'Allemagne n'a pas bénéficié de la construction communautaire. Ce chiffre passe au-delà de 50% dans des pays comme l'Autriche et la Suède. Notre incapacité à dire aux citoyens de quand date la décision de reconnaître la Turquie comme candidate est révélatrice. Juridiquement, il n'y a pas de décision. Politiquement, il est évident que nous avons promis des choses aux Turcs de façon répétée.
Si des promesses ont été faites aux Turcs, des promesses ont aussi été faites aux Européens : lorsque l'Assemblée nationale et le Sénat français ont ratifié le traité d'Amsterdam, ils ont rajouté dans la loi un article demandant qu'il ne soit procédé aux futurs élargissements que sous la condition d'un approfondissement préalable.
En tout état de cause, il serait catastrophique et malhonnête d'ouvrir des négociations avec la Turquie dans l'espoir qu'elles n'aboutissent pas. Cette bataille doit donc être menée jusqu'au 17 décembre.


Ce sujet est particulièrement complexe, et ce débat français est observé dans toutes les capitales européennes et également en Turquie, rappelle Patrick Lefas. Le processus de rapprochement entre l'Union et la Turquie remonte à 1963, à l'époque où l'horizon de la Communauté européenne était l'Union douanière. La Turquie a elle-même réalisé cette union douanière avec l'Union en 1996. L'article 28 de cet accord d'association évoquait la possibilité d'une adhésion et la candidature de la Turquie a été déposée en 1987.

L'histoire s'accélère avec le début des négociations avec les nouveaux Etats membres. Le Conseil européen en 1997 fait figurer la Turquie sur une liste de candidats et en 1999 le Conseil européen d'Helsinki reconnaît la perspective d'une candidature qui pourrait déboucher sur l'ouverture de négociations. En 2002, au Conseil européen de Copenhague, l'échéance de décembre 2004 est fixée pour apprécier si les conditions sont réunies sur la base d'une procédure d'examen conduite par la Commission chaque année depuis 1999, et qui a abouti à un rapport annuel très intéressant. Nous avons pu constater que des progrès indéniables avaient été réalisés, notamment sur le plan législatif. Nous sommes donc dans un processus, qui a été confirmé par les promesses de nombreux chefs d'Etat et de gouvernement lors de visites officielles en Turquie. Nous devons donc nous interroger sur les conséquences d'une interruption de ce processus, si nous décidons d'y mettre un terme.

C'est un débat qui doit être vu au regard des critères de Copenhague : le rapprochement est réel mais beaucoup reste encore à faire. Tous les processus d'adhésion ont été longs. A l'échelle d'une dizaine d'années ou plus, il nous faudra apprécier la prise en compte de l'acquis communautaire et de l'Europe politique. L'adoption de la constitution européenne créé une nouvelle donne, car ce texte comporte des éléments comme le respect des minorités, la charte des droits fondamentaux…

Sur le critère économique (économie de marché viable et capacité à faire face aux forces du marché à l'intérieur de l'Union), il faut reconnaître que la Turquie est en situation délicate. Elle a d'ailleurs été très longtemps en négociation avec le FMI. Dans une économie de marché très concurrentielle, peut-on prendre le risque d'accueillir un pays qui a un taux d'inflation aussi élevé ? Des efforts très importants ont aussi été réalisés pour limiter l'endettement des administrations publiques. Le tissu industriel soutient la concurrence avec les nouveaux Etats membres, et permet des liens étroits avec l'Allemagne, la France, ou l'Italie. Cette économie ressemble par beaucoup d'aspects à une économie de marché, malgré des poches de sous-développement L'assainissement économique ne s'est pas fait sans coût social.
Il y a donc bien les bases d'une économie de marché, mais cela reste fragile et des signaux positifs de notre part sont nécessaires. La société civile est très active et européanisée, et entièrement tendue vers la perspective d'adhésion. Cela ne peut être ignoré.

Le troisième critère est celui d'assumer les obligations liées à l'adhésion et notamment de souscrire aux objectifs de l'UEM. Ce n'est pas aujourd'hui le plus difficile car l'économie turque est assainie, mais les disciplines de l'Union ne sont pas seulement celles de l'UEM. Il y a aussi le cadre de l'union politique, car avec la constitution, nous franchissons un saut qualitatif. Les négociations se font chapitre par chapitre et certains sujets ne devront pas être " escamotés ". La capacité de la Turquie à respecter l'acquis de l'Union est un aspect essentiel qui est rendu d'autant plus difficile à vérifier que le cadre évolue.

Le quatrième critère est celui de notre capacité à intégrer la Turquie, en préservant le dynamisme de l'Union.

Sur la question des frontières, la géographie ne nous aide pas beaucoup car il est difficile de décréter que l'Europe s'arrête au Bosphore ou à l'Oural. L'histoire explique beaucoup des difficultés d'aujourd'hui, car elles est perçue différemment en Turquie et dans le reste de l'Europe. En Turquie on considère que la fin de l'empire romain correspond à la fin du sultanat en 1922, alors que nous considérons que la fin de l'empire romain correspond à la prise de Constantinople en 1453. La réalité historique n'est pas vue de la même manière. L'expansion romaine s'est arrêtée au plateau anatolien. L'empire ottoman s'est inscrit dans la continuité de l'empire romain. Mais ce sont des aspects historiques qui ne permettent pas de trancher pour le présent. Le point de départ de la Turquie moderne est le kémalisme, avec les bases de la démocratie telle qu'on pouvait la concevoir à cette époque : la caserne et l'école primaire ! Les structures démocratiques, comme l'existence des partis politiques ou le droit de vote des femmes, datent de cette époque. C'est une démocratie qui en vaut bien d'autres de la même époque. La Turquie se vit donc comme européenne, le gouvernement actuel a fait beaucoup d'efforts. Les promesses qui ont été faites ont très certainement aidé à faire avancer le processus législatif.

L'Union européenne joue par ce biais pleinement son rôle, en soumettant à une conditionnalité forte ses accords avec ses partenaires. C'est ce qu'elle fait en Syrie en subordonnant les concessions commerciales à la renonciation à la détention d'armes de destruction massive. C'est ce qu'elle doit continuer à faire avec la Turquie. La question est de savoir si ce rôle peut continuer à être tenu efficacement en ouvrant la porte des négociations ou au contraire en les différant.

Il y a un véritable enjeu géopolitique car la Turquie est proche des principaux points de conflits du monde. Elle a joué un rôle majeur de stabilisation de la région, de même qu'elle a joué un rôle particulier dans la stratégie de " containment " vis-à-vis de l'URSS pendant la guerre froide. Ces aspects doivent être intégrés à notre réflexion. La position courageuse qu'elle a prise sur l'Irak en fait un allier plus sûr.

Dans ce débat, nous devons avoir le courage de prendre en compte dans nos analyses le ressenti de la population turque. Il faut maintenir une très forte conditionnalité, mais le choix n'est pas entre " tout de suite " et " jamais ". La réalité est plus complexe, et il faut parier sur la capacité de l'Union à intégrer, même un grand pays, et sur la capacité des autorités turques à faire les efforts nécessaires. Ceux-ci seront d'autant mieux compris qu'ils s'inscrivent dans un cadre dynamique plutôt que dans un cadre de fermeture.

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